En effet, depuis le 1er janvier 2013, et suite à cette transposition, l’article L.441-6 I du Code de commerce dispose : « (…) Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. ». La DGCCRF confirme dans une note d’information du 1er février 2013 que les frais visés par l’article L.441-6 comportent notamment les frais exposés « pour la rémunération d’un avocat ».
Ainsi, en matière de recouvrement de créances commerciales, « lex specialia generalibus derogant », l’article 700 n’est plus applicable au profit de cette disposition spéciale, de sorte que le créancier peut et doit obtenir le règlement de l’intégralité des frais exposés pour le recouvrement de sa créance.
L’article L.441-6 alinéa 8 du Code de commerce n’offre au juge aucun pouvoir d’appréciation : celui-ci doit faire application du texte dès lors qu’il est justifié des frais exposés. Il ne lui appartient pas de réduire le montant réclamé au titre des honoraires de l’avocat qui est fixé librement entre ce dernier et son client.
Pourtant, et bien qu’il s’agisse d’une disposition d’ordre public, trop rares sont les juridictions qui font droit aux demandes présentées à ce titre par le créancier et prononcent la condamnation du débiteur à rembourser l’intégralité de ses frais de recouvrement contentieux.
Le fautif ? C’est le fameux article 700 du Code de procédure civile qui prévoit que le juge, en considération de l'équité, peut limiter ou même supprimer toute condamnation au titre des frais exposés par la partie gagnante.
Depuis l’introduction de ce principe dans notre droit, en 1976, le système judiciaire français s’est habitué à l’idée qu’il est « normal » que la partie gagnante conserve, après l’office du juge, des frais à sa charge, et reste donc, au final, victime de la faute dont elle a pourtant obtenu réparation.
Il est donc rare, alors que le texte aura bientôt quatre ans, que nos juges le mettent en œuvre. Les motifs de rejet sont rarement détaillés, les juridictions se contentant souvent de « rejeter toute autre demande » du créancier. Voici quelques exemples de motivation dans des décisions de TGI et de tribunaux de commerce obtenues en 2014 et 2015 :
« en vertu de cet article L441-6 alinéa 8, d’ordre public, une indemnité pour frais de recouvrement est prévue lorsque ces derniers sont supérieurs au montant de l’indemnité forfaitaire, d’un montant de 40 € ; en l’espèce les frais de recouvrement engagé par le créancier sont effectivement supérieurs à l’indemnité forfaitaire ce dont il est justifié ; il est fait droit dans son principe à cette demande mais il apparaît justifié d’en diminuer le montant ». « il ne sera pas fait droit à la somme de X euros TTC sollicitée par la requérante à titre principal pour l’indemnisation de ses frais réels de recouvrement, en application de l’article L441-6 du Code de commerce, somme que nous estimons non fondée en l’état » ; « disons n’avoir les pouvoirs de nous prononcer sur la demande présentée au titre de l’indemnité de recouvrement et renvoyant le créancier à se mieux pourvoir sur ce point » « le tribunal constate que les conditions générales de vente produite par la demanderesse ne font pas mention de l’indemnité forfaitaire et de la possibilité pour le créancier de solliciter un complément d’indemnisation. En conséquence, il rejettera la demande en paiement formée sur ce fondement »
Il n’y a pas de doute : notre système judiciaire applique l’art. 441-6, comme s’il s’agissait de l’art. 700, en y ajoutant la considération d’équité qui ne figure pourtant aucunement dans ce texte.
On sait qu’en matière de recouvrement de créances, de très nombreux débiteurs profitent de cette situation, de mauvaise foi, jouant sur la difficulté et les coûts résiduels pour espérer que le créancier n’entreprendra pas l’action.
La mauvaise application du texte issu de la directive est fort regrettable, non seulement pour chacun des créanciers concernés pris individuellement, mais pour l’ensemble de notre économie.
Le crédit interentreprises, qui représente 600 milliards d’euros par an, est le poumon principal de l’activité des entreprises[[1]]url:#_ftn1 . Il repose sur la confiance, confiance dans son client, et également confiance dans le système juridique permettant d’assurer le respect de ses droits.
Or, il faut rappeler qu’un quart des dépôts de bilan (soit environ 15.000/an) sont dus aux mauvais payeurs.
Nous détenons, avec ce texte, un moyen qui ne coûte rien au budget de l’État, d’améliorer la trésorerie des entreprises et d’assainir les relations commerciales.
Et qu’on ne vienne pas dire que cela entraînera des conséquences négatives sur les entreprises débitrices : ce sont surtout les petites créances qui sont concernées par la résignation. Si l’on vous doit 150.000 euros, vous engagerez l‘action quels que soient les coûts. Mais pour 500, 5.000 ou même 10.000 euros, le créancier est nécessairement amené à peser le pour et le contre. Cette situation n’est plus acceptable alors qu’un texte prévoit précisément son indemnisation intégrale.
Alors bonne résolution pour 2016 : si nous appliquions la loi ?
Ainsi, en matière de recouvrement de créances commerciales, « lex specialia generalibus derogant », l’article 700 n’est plus applicable au profit de cette disposition spéciale, de sorte que le créancier peut et doit obtenir le règlement de l’intégralité des frais exposés pour le recouvrement de sa créance.
L’article L.441-6 alinéa 8 du Code de commerce n’offre au juge aucun pouvoir d’appréciation : celui-ci doit faire application du texte dès lors qu’il est justifié des frais exposés. Il ne lui appartient pas de réduire le montant réclamé au titre des honoraires de l’avocat qui est fixé librement entre ce dernier et son client.
Pourtant, et bien qu’il s’agisse d’une disposition d’ordre public, trop rares sont les juridictions qui font droit aux demandes présentées à ce titre par le créancier et prononcent la condamnation du débiteur à rembourser l’intégralité de ses frais de recouvrement contentieux.
Le fautif ? C’est le fameux article 700 du Code de procédure civile qui prévoit que le juge, en considération de l'équité, peut limiter ou même supprimer toute condamnation au titre des frais exposés par la partie gagnante.
Depuis l’introduction de ce principe dans notre droit, en 1976, le système judiciaire français s’est habitué à l’idée qu’il est « normal » que la partie gagnante conserve, après l’office du juge, des frais à sa charge, et reste donc, au final, victime de la faute dont elle a pourtant obtenu réparation.
Il est donc rare, alors que le texte aura bientôt quatre ans, que nos juges le mettent en œuvre. Les motifs de rejet sont rarement détaillés, les juridictions se contentant souvent de « rejeter toute autre demande » du créancier. Voici quelques exemples de motivation dans des décisions de TGI et de tribunaux de commerce obtenues en 2014 et 2015 :
« en vertu de cet article L441-6 alinéa 8, d’ordre public, une indemnité pour frais de recouvrement est prévue lorsque ces derniers sont supérieurs au montant de l’indemnité forfaitaire, d’un montant de 40 € ; en l’espèce les frais de recouvrement engagé par le créancier sont effectivement supérieurs à l’indemnité forfaitaire ce dont il est justifié ; il est fait droit dans son principe à cette demande mais il apparaît justifié d’en diminuer le montant ». « il ne sera pas fait droit à la somme de X euros TTC sollicitée par la requérante à titre principal pour l’indemnisation de ses frais réels de recouvrement, en application de l’article L441-6 du Code de commerce, somme que nous estimons non fondée en l’état » ; « disons n’avoir les pouvoirs de nous prononcer sur la demande présentée au titre de l’indemnité de recouvrement et renvoyant le créancier à se mieux pourvoir sur ce point » « le tribunal constate que les conditions générales de vente produite par la demanderesse ne font pas mention de l’indemnité forfaitaire et de la possibilité pour le créancier de solliciter un complément d’indemnisation. En conséquence, il rejettera la demande en paiement formée sur ce fondement »
Il n’y a pas de doute : notre système judiciaire applique l’art. 441-6, comme s’il s’agissait de l’art. 700, en y ajoutant la considération d’équité qui ne figure pourtant aucunement dans ce texte.
On sait qu’en matière de recouvrement de créances, de très nombreux débiteurs profitent de cette situation, de mauvaise foi, jouant sur la difficulté et les coûts résiduels pour espérer que le créancier n’entreprendra pas l’action.
La mauvaise application du texte issu de la directive est fort regrettable, non seulement pour chacun des créanciers concernés pris individuellement, mais pour l’ensemble de notre économie.
Le crédit interentreprises, qui représente 600 milliards d’euros par an, est le poumon principal de l’activité des entreprises[[1]]url:#_ftn1 . Il repose sur la confiance, confiance dans son client, et également confiance dans le système juridique permettant d’assurer le respect de ses droits.
Or, il faut rappeler qu’un quart des dépôts de bilan (soit environ 15.000/an) sont dus aux mauvais payeurs.
Nous détenons, avec ce texte, un moyen qui ne coûte rien au budget de l’État, d’améliorer la trésorerie des entreprises et d’assainir les relations commerciales.
Et qu’on ne vienne pas dire que cela entraînera des conséquences négatives sur les entreprises débitrices : ce sont surtout les petites créances qui sont concernées par la résignation. Si l’on vous doit 150.000 euros, vous engagerez l‘action quels que soient les coûts. Mais pour 500, 5.000 ou même 10.000 euros, le créancier est nécessairement amené à peser le pour et le contre. Cette situation n’est plus acceptable alors qu’un texte prévoit précisément son indemnisation intégrale.
Alors bonne résolution pour 2016 : si nous appliquions la loi ?
[1] le crédit bancaire aux entreprises représente un tiers de cette somme, soit 200 milliards d’euros par an