Le même Rapport Lavenir-Scotté évoqué dans mon précédent article contenait une autre proposition intitulée « Renforcement du capital des sociétés » et ainsi définie :
« Poser comme seul principe d’ordre public la détention majoritaire, directement ou indirectement, des droits de vote par des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions de la société d’exercice. « Fixer dans la loi une règle par défaut qui, en l’absence de dispositions règlementaires spécifiques, limiterait l’ouverture à des tiers à 25% du capital social et des droits de vote. »
Cette proposition s’est avérée particulièrement explosive. Elle met face à face une minorité de confrères, qui seraient un peu moins d’un tiers, surtout des jeunes, favorable à l’ouverture du capital de leur structure, afin de financer des développements qu’ils estiment nécessaires pour lutter contre les concurrents émergents, et une majorité plus conservatrice, qui considère qu’une telle réforme viendrait fragiliser le socle éthique de l’avocat et en particulier le principe d’indépendance.
La DGE a incité le CNB à prendre position sur la question de l’ouverture du capital des sociétés d’avocats.
En outre, la commission européenne a publié le 9 juillet 2021 ses recommandations de réformes en matière de règlementation de sept services professionnels, y compris les avocats. Elle invite les États membres à évaluer les exigences notamment en matière de forme juridique et d'actionnariat en tenant compte en particulier du besoin d'innovation et de déploiement de solutions numériques et de modèles commerciaux émergents. La profession est donc « saisie » du sujet par les régulateurs.
Dans ce contexte, la commission SPA s’en est emparée en tenant compte des travaux réalisés sous les anciennes mandatures :
le rapport sur le « Financement et développement des cabinets d’avocats », présenté par les commissions Prospective et SPA et voté en assemblée générale du CNB le 17 novembre 2017 ; le rapport sur l’ « Interprofessionnalité d’exercice dans les sociétés », présenté par la commission SPA et voté en assemblée générale du 13 novembre 2020.
Pour travailler sur un sujet aussi délicat, j’ai souhaité donner les mêmes possibilités d’expression à toutes les sensibilités, et le travail a été réparti en plusieurs axes. En outre, la commission a également travaillé avec la commission Règles et Usages, présidée par Laurence Junod-Fanget, sur les questions déontologiques soulevées par l’ouverture du capital aux tiers.
Neuf axes de travail ont été partagés entre les membres et les experts de la commission :
les arguments « pour » : financement, jeune barreau, concurrence des legaltechs les arguments « contre » : principe d’indépendance, opportunité analyse du risque de se voir imposer cette ouverture par la CJUE, comme cela est arrivé en matière de démarchage ouvrir le capital mais à quels tiers ? la question des cercles concentriques ouvrir le capital mais à quelles conditions techniques ? la SELCA est-elle LA solution pour avancer tout en préservant l’indépendance des exerçants ? la question du contrôle des Ordres, en particulier sur les pactes et sur l’évolution du partenariat dans le temps entre les exerçants et les investisseurs ; les impacts en matière de déontologie les questions de gouvernance des structures en cas d’ouverture de capital.
Après avoir organisé le travail et de nombreux débats, la commission a procédé à deux votes successifs pour permettre aux membres de faire valoir leur position. Dans les deux votes, une majorité s’est dégagée en faveur de l’ouverture du capital, mais il faut noter que la composition de la commission n’est pas proportionnelle à celle de l’assemblée générale.
Le cas particulier de la société en commandite par actions (SELCA) :
Une solution technique s’est toutefois dégagée comme pouvant permettre, peut-être, un consensus.
C’est une structure oubliée mais portée depuis des années par un expert éminent de la commission, Me Jack Demaison : il s’agit de la SELCA, la SEL en commandite par actions, qui permet de séparer de manière étanche l’exercice professionnel du financement de l’activité.
Deux types d’associés cohabitent en effet au sein de la SELCA : les commandités qui sont les professionnels en exercice et les commanditaires qui financent l’activité. Les commanditaires élisent un conseil de surveillance qui assure le contrôle de gestion de la société. Les commandités ont tout pouvoir pour agir au nom de la société. Toute modification statutaire nécessite l’unanimité des commandités, ce qui est un gage d’indépendance. Il est proposé de modifier la règle de responsabilité indéfinie et solidaire des commandités pour la limiter aux apports.
En permettant de séparer de la manière la plus nette possible les associés exerçant la profession des investisseurs, la SELCA pourrait constituer le plus petit dénominateur commun entre partisans et opposants à l’ouverture du capital aux tiers.
Ces sujets seront présentés à l’assemblée générale du 15 octobre.
A suivre donc.
« Poser comme seul principe d’ordre public la détention majoritaire, directement ou indirectement, des droits de vote par des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions de la société d’exercice. « Fixer dans la loi une règle par défaut qui, en l’absence de dispositions règlementaires spécifiques, limiterait l’ouverture à des tiers à 25% du capital social et des droits de vote. »
Cette proposition s’est avérée particulièrement explosive. Elle met face à face une minorité de confrères, qui seraient un peu moins d’un tiers, surtout des jeunes, favorable à l’ouverture du capital de leur structure, afin de financer des développements qu’ils estiment nécessaires pour lutter contre les concurrents émergents, et une majorité plus conservatrice, qui considère qu’une telle réforme viendrait fragiliser le socle éthique de l’avocat et en particulier le principe d’indépendance.
La DGE a incité le CNB à prendre position sur la question de l’ouverture du capital des sociétés d’avocats.
En outre, la commission européenne a publié le 9 juillet 2021 ses recommandations de réformes en matière de règlementation de sept services professionnels, y compris les avocats. Elle invite les États membres à évaluer les exigences notamment en matière de forme juridique et d'actionnariat en tenant compte en particulier du besoin d'innovation et de déploiement de solutions numériques et de modèles commerciaux émergents. La profession est donc « saisie » du sujet par les régulateurs.
Dans ce contexte, la commission SPA s’en est emparée en tenant compte des travaux réalisés sous les anciennes mandatures :
le rapport sur le « Financement et développement des cabinets d’avocats », présenté par les commissions Prospective et SPA et voté en assemblée générale du CNB le 17 novembre 2017 ; le rapport sur l’ « Interprofessionnalité d’exercice dans les sociétés », présenté par la commission SPA et voté en assemblée générale du 13 novembre 2020.
Pour travailler sur un sujet aussi délicat, j’ai souhaité donner les mêmes possibilités d’expression à toutes les sensibilités, et le travail a été réparti en plusieurs axes. En outre, la commission a également travaillé avec la commission Règles et Usages, présidée par Laurence Junod-Fanget, sur les questions déontologiques soulevées par l’ouverture du capital aux tiers.
Neuf axes de travail ont été partagés entre les membres et les experts de la commission :
les arguments « pour » : financement, jeune barreau, concurrence des legaltechs les arguments « contre » : principe d’indépendance, opportunité analyse du risque de se voir imposer cette ouverture par la CJUE, comme cela est arrivé en matière de démarchage ouvrir le capital mais à quels tiers ? la question des cercles concentriques ouvrir le capital mais à quelles conditions techniques ? la SELCA est-elle LA solution pour avancer tout en préservant l’indépendance des exerçants ? la question du contrôle des Ordres, en particulier sur les pactes et sur l’évolution du partenariat dans le temps entre les exerçants et les investisseurs ; les impacts en matière de déontologie les questions de gouvernance des structures en cas d’ouverture de capital.
Après avoir organisé le travail et de nombreux débats, la commission a procédé à deux votes successifs pour permettre aux membres de faire valoir leur position. Dans les deux votes, une majorité s’est dégagée en faveur de l’ouverture du capital, mais il faut noter que la composition de la commission n’est pas proportionnelle à celle de l’assemblée générale.
Le cas particulier de la société en commandite par actions (SELCA) :
Une solution technique s’est toutefois dégagée comme pouvant permettre, peut-être, un consensus.
C’est une structure oubliée mais portée depuis des années par un expert éminent de la commission, Me Jack Demaison : il s’agit de la SELCA, la SEL en commandite par actions, qui permet de séparer de manière étanche l’exercice professionnel du financement de l’activité.
Deux types d’associés cohabitent en effet au sein de la SELCA : les commandités qui sont les professionnels en exercice et les commanditaires qui financent l’activité. Les commanditaires élisent un conseil de surveillance qui assure le contrôle de gestion de la société. Les commandités ont tout pouvoir pour agir au nom de la société. Toute modification statutaire nécessite l’unanimité des commandités, ce qui est un gage d’indépendance. Il est proposé de modifier la règle de responsabilité indéfinie et solidaire des commandités pour la limiter aux apports.
En permettant de séparer de la manière la plus nette possible les associés exerçant la profession des investisseurs, la SELCA pourrait constituer le plus petit dénominateur commun entre partisans et opposants à l’ouverture du capital aux tiers.
Ces sujets seront présentés à l’assemblée générale du 15 octobre.
A suivre donc.