Déclaration des Bénéficiaires Effectifs (DBE) des sociétés : Les pourcentages exacts de détention du capital et des droits de vote doivent être communiqués


Rédigé par Philippe Touzet le Mardi 12 Février 2019

Quelle est l’étendue exacte des informations à communiquer au titre du dépôt de la déclaration de bénéficiaire effectif d’une société auprès du greffe ?

Telle était la question posée au juge chargé de la surveillance du greffe du Tribunal de commerce de Bobigny, face à la décision d’une société de ne mentionner que l’identité de ses associés personnes physiques détenant plus de 25% du capital et des droits de vote, sans autre précision, c’est-à-dire sans indiquer aucun pourcentage de détention des droits de vote ou de capital.



La position de la société pouvait s’appuyer sur les textes puisque le Code monétaire et financier (CMF) se contente de préciser que le document à transmettre doit contenir : « les modalités du contrôle exercé sur la société [ ] déterminées conformément aux articles R 561-1 R 561-2 et R 561-3» du CMF1» 
 
Il s’agit des personnes physiques détenant, directement ou indirectement plus de 25% du capital ou des droits de vote ou exerçant, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction ou sur l’assemblée générale des associés.
 
Le pouvoir de contrôle lui-même, au sens des 3° et 4° du I de l'article L. 233-3 du Code de commerce, est caractérisé par le pouvoir de déterminer les décisions dans les assemblées générales ou de nommer ou révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d’une société.
 
On constate donc que, si les hypothèses de contrôle sont potentiellement très nombreuses, pour les cas de contrôle du seul fait du franchissement de seuil, l’indication d’une détention supérieure à 25% du capital et des droits de vote devrait à priori suffire.
 
Pourtant, dans une décision du 18 mai 20182, le Tribunal de commerce de Bobigny livre une interprétation « extensive » du niveau de détail attendu et considère, par une remarque qui ne manque pas de bon sens, que : « ne saurait en effet être confondue la situation d’un associé ne détenant qu’une minorité de blocage avec la situation d’un associé majoritaire au regard du contrôle d’une société. »
 
On ne peut effectivement que constater qu’en indiquant simplement que Monsieur X et Madame Y détiennent chacun plus de 25% du capital et des droits de vote, une société masquerait l’identité du véritable bénéficiaire effectif, tout en se conformant, stricto sensu, à la lettre des textes.
 
Une telle information sommaire n’aurait pas grand intérêt dans le cas des sociétés à responsabilité limitée, sociétés civiles ou SNC, pour lesquelles les statuts doivent contenir la répartition du capital, en revanche elle permettrait une dissimulation pour les SA et SAS.
 
En fait, le législateur présume qu’un associé détenant plus de 25% du capital et des droits de vote, ce qui correspond fréquemment à la minorité de blocage, détient le contrôle effectif d’une société, mais il s’agit d’une simple hypothèse qui ne doit pas conduire à éluder le nom du bénéficiaire effectif.
 
Les greffes ont mis au point un modèle de déclaration ainsi qu’un guide3 conçu pour aider à appréhender les différentes situations de contrôle pouvant se présenter.
 
Avec cette décision, on peut considérer comme établie la nécessité d’entrer dans le détail des pourcentages de détention. Mais le sujet n’est pas épuisé lorsqu’on envisage les cas de contrôle reposant sur des accords particuliers et non pas seulement sur des détentions capitalistiques.
 
Ces hypothèses seront plus difficiles à appréhender et pourraient donner lieu à des contentieux.
 
On rappelle que les sanctions peuvent être lourdes puisque le fait de ne pas déposer au registre du commerce et des sociétés le document sur le bénéficiaire effectif ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes est puni de six mois d’emprisonnement et de 7.500 € d’amende (art L.561-49 CMF).
 
Pour les personnes physiques, une peine complémentaire d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques est encourue.
 
 
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1          Articles R.561-56 et suivants du CMF
2          Tribunal de commerce de  Bobigny , 18 mai 2018 n° 2018507031
3          https://www.infogreffe.fr/documents/10179/0/RBE_Fiche_pratique_schemas.pdf
 







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