La loi de sauvegarde des entreprises


Rédigé par Philippe Touzet le Vendredi 16 Septembre 2005

Depuis fin 2004, nous vous avons régulièrement tenus informés de l’évolution de la réforme des procédures collectives, c'est-à-dire la réforme du droit des faillites.

Voté en première lecture par l'Assemblée Nationale le 9 mars 2005, modifié par le Sénat le 30 juin 2005, le texte a été finalement adopté le 26 juillet 2005 sur la base du texte mis au point par la Commission mixte paritaire. Il s’agit d’une réforme importante, car c’est un droit qui évolue assez lentement : 1967, 1985, 1994 et désormais 2005.

Ce texte comme ceux de 1985 et 1994 vise avant tout à favoriser la prévention et la détection des difficultés des entreprises et modifie de manière significative le régime actuel. Nous en examinons les principales innovations.



Extension aux professions non commerçantes

Le texte étend le champ d’application des procédures collectives « aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ».

Renforcement de l’obligation de dépôt des comptes

En cas de défaut de dépôt des comptes annuels dans les délais requis, le Président du tribunal pourra enjoindre aux dirigeants de le faire, sous astreinte.

Mandataire ad hoc

Le régime de désignation du mandataire ad hoc est modifié et celle-ci ne pourra plus intervenir que sur demande du débiteur. En outre, le bénéfice du mandataire ad hoc est étendu aux exploitants agricoles.

La conciliation

Une procédure de conciliation est mise en place et se substitue à l’actuel règlement amiable. Le débiteur pourra demander à bénéficier de cette procédure afin d’anticiper certaines difficultés à venir en accord avec ses créanciers.

De nombreux aspects du règlement amiable sont conservés. La conciliation pourra être demandée à condition que l’entreprise éprouve « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible ». L’entreprise ne devra pas être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Le redressement et la liquidation judiciaire ne pourront pas être demandée par un créancier si la conciliation est en cours.

L’homologation de l’accord conclu entre l’entreprise et ses créanciers serait facultative, mais permettrait de suspendre toute action en justice ou poursuite en vue d’obtenir le paiement de créances.

La sauvegarde

Cette procédure est l’innovation majeure de la loi.

Ouverte avant même toute cessation des paiements, elle sera destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

Elle sera ouverte sur demande du débiteur qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements La sauvegarde ne pourra être demandée ou maintenue que pour autant que l’entreprise n’est pas en cessation des paiements.

La loi institue un privilège de paiement à l’égard des créanciers dont les créances sont nées après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, soit pour les besoins du déroulement de la procédure, soit en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité pendant cette période.

"La sauvegarde, une nouvelle phase de la procédure"

Le plan de sauvegarde devra être arrêté par le tribunal après consultation des créanciers. Dans le cas des débiteurs dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires excèdent certains seuils, deux comités de créanciers seront constitués : un comité composé des établissements de crédit, et un comité composé des principaux fournisseurs.

Le redressement judiciaire

Le délai de 15 jours pour déposer un déclaration de cessation des paiements apparaissait comme trop bref : il est porté à 45 jours à compter du jour de la cessation des paiements, qui rappelons le, est le fait de ne plus pouvoir faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Cette notion n’est pas modifiée.

"45 jours pour déposer le bilan"

Une grande innovation concerne les créances antérieures au jugement d’ouverture. La date prise en compte sera celle de la naissance de la créance et non plus celle litigieuse de « l’origine ». La procédure de relevé de forclusion sera dorénavant ouverte aux créanciers établissant que leur défaillance est due à une omission volontaire du débiteur. Le délai de forclusion quant à lui, est réduit de douze à six mois.

Enfin, la loi n’oublie pas les banquiers et supprime, à l’égard des cautions, la sanction de l’extinction pour les créances qui n’ont pas été déclarées. Le créancier pourra donc toujours poursuivre la caution en paiement.

La liquidation judiciaire

Cette procédure est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements qui serait manifestement dans l’impossibilité d’assurer, par un plan de redressement, la continuation de son entreprise. La liquidation serait affirmée comme destinée à mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens, ce qui est d’ores et déjà son but actuel…

Sans doute le législateur considère t’il que cela va mieux en le disant …

Responsabilités et sanctions

Décidément favorable aux banques, dont le lobby puissant est toujours au travail, le texte prévoit une limitation de la responsabilité des fournisseurs de crédit. Ceux-ci ne seraient responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu’en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées par rapport à ceux-ci. Est-ce la fin des actions en soutien abusif et de certaines des sanctions prévues par la loi bancaire du 24 janvier 1984 ?

Enfin, la mesure de placement en redressement ou liquidation judiciaire personnelle, qui peut être prononcée à titre de sanction à l’encontre du dirigeant d’une personne morale, est supprimée et remplacée par une obligation aux dettes sociales, dans le seul cas de liquidation judiciaire de la personne morale.

L’entrée en vigueur du texte est prévue au 1er janvier 2006.







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