Loi de simplification du droit des sociétés : l’oubli de proroger la durée d’une société est désormais «réparable», pendant douze mois après l’arrivée du terme


Rédigé par Philippe Touzet le Mercredi 9 Octobre 2019

Oublier, avant l’arrivée du terme, de réunir les associés pour proroger la durée d’une société peut aboutir à des situations potentiellement catastrophiques pour les associés.

En effet, sous l’empire du droit applicable avant l’adoption de la loi 2019-77 du 19 juillet 2019 de simplification du droit des sociétés, aucun mécanisme de régularisation n’était prévu.

Ce qui était curieux au regard du principe de large ouverture des possibilités de régularisation qui gouverne la matière.



L’article L.235-3 du Code de commerce dispose en effet : « L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social. »
 
Toutefois, dans la mesure où nous ne sommes pas en présence d’un cas de nullité, mais de dissolution, une jurisprudence constante ne laissait aucun moyen de régularisation aux associés, et les cas de prorogation postérieure à l’arrivée du terme n’étaient pas admis.
 
Or, à compter de l’arrivée du terme, la société devient une société créée de fait, dépourvue de personnalité morale et les associés deviennent indéfiniment et solidairement responsables du passif.
 
Au plan fiscal, l’administration se montre tolérante et considère que l’absence de prorogation de la société, pourvu qu’elle n’ait pas été constatée dans un acte, n’emporte pas les conséquences d’une cessation d’activité (taxation des résultats et des plus-values latentes).
 
Cette question peut paraître anecdotique, au regard du nombre de sociétés créées pour une durée de 99 ans, qui est la durée maximale autorisée par l’article 1838 du code civil, mais il ne faut pas oublier que, pour des raisons diverses, de très nombreuse sociétés ont été créées pour des durées bien plus courtes.
 
Le risque est donc réel et les solutions de contournement, par création d’une nouvelle société par exemple, à laquelle seraient apportés les titres de la société devenue de fait, outre qu’elles imposent de constater la dissolution et la liquidation de la société initiale, avec les conséquences commerciales fâcheuses qui peuvent en découler, présentent tout de même certaines incertitudes au plan juridique.
 
La loi de simplification du droit des sociétés s’est donc saisie de cette question et a rajouté un alinéa à l’article 1844-6 du Code civil :
 
« Lorsque la consultation n'a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l'année suivant la date d'expiration de la société, peut constater l'intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée. »
 
A compter de la publication de la loi, les associés gagnent donc un délai de 12 mois après l’arrivée du terme, avant de retrouver les conséquences rappelées ci-dessus.
 
Il s’agit d’une mesure d’assouplissement, d’un sursis supplémentaire et non pas d’une révolution, mais pouvait-il en être autrement ?  
 
Dans la mesure où la loi impose aux associés de fixer un terme aux sociétés dotées de la personnalité morale (ce qui n’est pas le cas pour les sociétés en participation, par exemple, qui peuvent être constituées pour une durée indéterminée), il parait inévitable d’en tirer les conséquences et de prévoir, in fine, une sanction qui ne peut aboutir qu’à l’apparition d’une société créée de fait entre les associés.
 
La seule solution pour éviter cette situation serait de prévoir une durée indéterminée, y compris pour les sociétés dotées de la personnalité morale.
 
Une telle modification ne présenterait pas d’inconvénient majeur, à condition qu’il ne soit pas permis à un associé de demander la dissolution à tout moment, comme c’est la cas pour les sociétés en participation à durée indéterminée, en application de l’article 1872-2 alinéa 1er du Code civil.


Loi 2019-744 du 19 juillet 2019
 







Dans la même rubrique :