1. Les incompatibilités visées par le décret n°2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats
L'article 22 du Décret du 30 juin 2023 (introduit par l'article 111 alinéas 1 à 3 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1999) dispose que : « La profession d'avocat est incompatible : a) Avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ; b) Avec les fonctions d'associé dans une société en nom collectif, d'associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de membre du directoire ou directeur général d'une société anonyme, de gérant d'une société civile à moins que celles-ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat.
Le § a) vise l’exercice d’une activité commerciale en nom propre. En principe, un avocat ne peut pas exploiter personnellement ou par un intermédiaire, une activité commerciale.
Le § b) interdit à l’avocat d’être associé de certaines sociétés (SNC, sociétés en commandite), ou d’exercer un mandat de dirigeant dans une SARL ou dans une SA (à l’exception de président du conseil d’administration non exécutif). Le conseil de surveillance n’est pas mentionné par le texte ; c’est la fonction de direction qui est en effet visée.
2. L’activité commerciale dérogatoire et la société « dédiée »
« Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession.
L'avocat ou la société d'avocat qui fait usage de la dérogation prévue au b ou au quatrième alinéa en informe par écrit, le conseil de l'ordre du barreau dont il ou elle relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée. Le conseil de l'ordre peut lui demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d'apprécier si une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la profession. »
Ainsi l’avocat peut exploiter une activité commerciale si celle-ci est accessoire à sa profession. Cette activité commerciale dérogatoire est délimitée par les biens ou services concernés, sous la double limite qu’ils soient connexes à l'exercice de la profession d'avocat, et qu’ils soient destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession.
Lors de son assemblée réunie les 6 et 7 avril 2023, le CNB a précisé les critères attachés aux sociétés dites « dédiées », c’est-à-dire celles par laquelle l’avocat exploite une activité commerciale dérogatoire définie à l’article 111 :
« Le CNB (…)
CONSIDERE que les dérogations des 4ème et 5ème alinéa de l’article 111 ne s’appliquent que lorsque la société dédiée qui procède à « la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession » est dirigée par un avocat (personne physique ou société d’avocats dirigée par un avocat). (…) »
L’avocat qui veut exploiter une activité commerciale par l’intermédiaire d’une société dédiée, doit donc exercer un mandat social de dirigeant dans cette société.
En d'autres termes, les incompatibilités prévues à l’article 111 visent exclusivement les mandats sociaux. L’intitulé de l’article P.41.7 du Règlement intérieur du Barreau de Paris, qui rappelle les dispositions de l’article 111, confirme cette compréhension du texte : « Avocats exerçant un mandat social. »
3. La SEL d’avocats associée d’une société commerciale
Un avocat peut donc librement s’associer à toutes sociétés commerciales, qui ne sont ni des SNC ni des commandites, indépendamment des activités admises pour les sociétés dédiées de l’article 22.
Cette liberté concerne autant les avocats personnes physiques, que ceux exerçant en société (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus).
Ainsi une SEL d’avocats peut être l’associée unique d’une société commerciale dont l’activité est étrangère à la profession d’avocat, pourvu que le mandat de dirigeant de cette société ne soit pas exercé par un avocat de la SEL.
A cet effet, l’objet social des statuts de la SEL d’avocats doit prévoir, outre l’exercice en commun de la profession d’avocat, la prise de participation dans toutes sociétés.