La société de commerce en ligne GROUPON proposait sur son site des prestations de soins, essentiellement esthétiques, effectuées à prix réduits par des médecins et par des chirurgiens-dentistes.
S’appuyant sur l’interdiction totale de publicité énoncée par le Code de la santé publique pour ces deux professions[[1]], les Ordres des médecins et chirurgiens-dentistes ont alors mis en œuvre plusieurs actions en vue de mettre fin à cette commercialisation par la société GROUPON.
Parmi ces actions, figuraient la publication de communiqués de presse, l’envoi de courriers aux professionnels qualifiant les services de la société GROUPON de procédés publicitaires « racoleurs » et « manifestement illicites », l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des praticiens y ayant eu recours, et enfin, l’introduction de différents recours à l’encontre de la société GROUPON elle-même (saisine de la DGCCRF notamment).
Assimilant ces procédés à des pratiques de boycott, la société GROUPON saisissait alors l’Autorité de la concurrence pour dénoncer ce qu’elle estimait être « une campagne de communication et une stratégie de harcèlement » des médecins et chirurgiens-dentistes ayant eu recours à ses services.
Bien que se déclarant incompétente pour juger des pratiques reprochées, l’Autorité de la concurrence profitait de sa saisine pour relever la non-conformité des interdictions de publicité énoncées par le Code de la santé publique au droit européen.
Elle relevait à ce propos que, compte tenu de deux arrêts récents de la CJUE[[2]] , les articles visés étaient incompatibles avec le droit européen en ce qu’ils prévoyaient une interdiction générale et absolue de toute publicité pour ces professions.
En effet, la CJUE a jugé dans l’arrêt « Vanderborght », relatif aux dispositions de droit belge applicables aux dentistes, que les interdictions générales et absolues de toute publicité, de façon directe ou indirecte, et la prohibition de toute forme de communication commerciale par voie électronique méconnaissent la directive 2000/31 sur le commerce électronique et l’article 56 du TFUE consacrant la libre prestation de services.
Dans son arrêt « RG et SELARL cabinet dentaire du docteur RG » elle en avait jugé de même s’agissant des dispositions du droit français interdisant de manière générale et absolue toute publicité aux chirurgiens-dentistes.
Par ces deux décisions[[3]], l’Autorité de la concurrence rejoint la position du Conseil d’Etat[[4]] qui estime que: «s’il devait se confirmer que l’arrêt Vanderborght doit être interprété comme impliquant de garantir le droit de tout professionnel de santé à recourir, même de manière très encadrée, à des formes de "communication commerciale" ou de "publicité" au sens de la jurisprudence de la Cour, la réglementation française s’exposerait aux mêmes critiques que celle applicable en Belgique »[[5]].
L’Autorité insiste donc sur la nécessité de modifier, à brève échéance, ces dispositions afin de tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de la CJUE. Toutefois, elle rappelle la nécessité d’assurer la pleine efficacité des principes déontologiques qui s’imposent aux médecins et chirurgiens-dentistes et notamment l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce, l’indépendance, la dignité et la confraternité.
Ce faisant, l’Autorité s’inscrit en conformité avec le droit européen en ce qu’il confère aux Etats-membres une certaine liberté pour définir les réglementations relatives à la publicité des professions libérales, du moment que ces dernières ne s’assimilent pas à des « interdictions générales et absolues ».
Cette succession d’évènements n’est pas sans rappeler l’évolution règlementaire qu’ont pu connaître certaines professions du conseil telles que celles des experts-comptables ou encore des avocats s’agissant du démarchage.
On se souvient en effet comment la société FIDUCIAL avait attaqué devant le Conseil d’Etat le décret n°2007-1387 portant l’interdiction générale de démarchage par les experts-comptables en invoquant sa non-conformité avec le droit européen[[6]].
A cette occasion, la CJUE, saisie d’une question préjudicielle, avait tranché en énonçant que la réglementation française, en ce qu’elle interdisait totalement le démarchage, entrait en contradiction avec la Directive « services »[[7]]. Par la suite, un démarchage encadré était expressément autorisé aux experts comptables par le droit interne[[8]], puis dans la foulée, aux avocats par la loi Macron.
ADLC décision n°19-D-01 du 15 janvier 201
ADLC décision n°19-D-02 du 15 janvier 2019
S’appuyant sur l’interdiction totale de publicité énoncée par le Code de la santé publique pour ces deux professions[[1]], les Ordres des médecins et chirurgiens-dentistes ont alors mis en œuvre plusieurs actions en vue de mettre fin à cette commercialisation par la société GROUPON.
Parmi ces actions, figuraient la publication de communiqués de presse, l’envoi de courriers aux professionnels qualifiant les services de la société GROUPON de procédés publicitaires « racoleurs » et « manifestement illicites », l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des praticiens y ayant eu recours, et enfin, l’introduction de différents recours à l’encontre de la société GROUPON elle-même (saisine de la DGCCRF notamment).
Assimilant ces procédés à des pratiques de boycott, la société GROUPON saisissait alors l’Autorité de la concurrence pour dénoncer ce qu’elle estimait être « une campagne de communication et une stratégie de harcèlement » des médecins et chirurgiens-dentistes ayant eu recours à ses services.
Bien que se déclarant incompétente pour juger des pratiques reprochées, l’Autorité de la concurrence profitait de sa saisine pour relever la non-conformité des interdictions de publicité énoncées par le Code de la santé publique au droit européen.
Elle relevait à ce propos que, compte tenu de deux arrêts récents de la CJUE[[2]] , les articles visés étaient incompatibles avec le droit européen en ce qu’ils prévoyaient une interdiction générale et absolue de toute publicité pour ces professions.
En effet, la CJUE a jugé dans l’arrêt « Vanderborght », relatif aux dispositions de droit belge applicables aux dentistes, que les interdictions générales et absolues de toute publicité, de façon directe ou indirecte, et la prohibition de toute forme de communication commerciale par voie électronique méconnaissent la directive 2000/31 sur le commerce électronique et l’article 56 du TFUE consacrant la libre prestation de services.
Dans son arrêt « RG et SELARL cabinet dentaire du docteur RG » elle en avait jugé de même s’agissant des dispositions du droit français interdisant de manière générale et absolue toute publicité aux chirurgiens-dentistes.
Par ces deux décisions[[3]], l’Autorité de la concurrence rejoint la position du Conseil d’Etat[[4]] qui estime que: «s’il devait se confirmer que l’arrêt Vanderborght doit être interprété comme impliquant de garantir le droit de tout professionnel de santé à recourir, même de manière très encadrée, à des formes de "communication commerciale" ou de "publicité" au sens de la jurisprudence de la Cour, la réglementation française s’exposerait aux mêmes critiques que celle applicable en Belgique »[[5]].
L’Autorité insiste donc sur la nécessité de modifier, à brève échéance, ces dispositions afin de tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de la CJUE. Toutefois, elle rappelle la nécessité d’assurer la pleine efficacité des principes déontologiques qui s’imposent aux médecins et chirurgiens-dentistes et notamment l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce, l’indépendance, la dignité et la confraternité.
Ce faisant, l’Autorité s’inscrit en conformité avec le droit européen en ce qu’il confère aux Etats-membres une certaine liberté pour définir les réglementations relatives à la publicité des professions libérales, du moment que ces dernières ne s’assimilent pas à des « interdictions générales et absolues ».
Cette succession d’évènements n’est pas sans rappeler l’évolution règlementaire qu’ont pu connaître certaines professions du conseil telles que celles des experts-comptables ou encore des avocats s’agissant du démarchage.
On se souvient en effet comment la société FIDUCIAL avait attaqué devant le Conseil d’Etat le décret n°2007-1387 portant l’interdiction générale de démarchage par les experts-comptables en invoquant sa non-conformité avec le droit européen[[6]].
A cette occasion, la CJUE, saisie d’une question préjudicielle, avait tranché en énonçant que la réglementation française, en ce qu’elle interdisait totalement le démarchage, entrait en contradiction avec la Directive « services »[[7]]. Par la suite, un démarchage encadré était expressément autorisé aux experts comptables par le droit interne[[8]], puis dans la foulée, aux avocats par la loi Macron.
ADLC décision n°19-D-01 du 15 janvier 201
ADLC décision n°19-D-02 du 15 janvier 2019
[[1]] Article R4127-19 du Code de la santé publique (interdiction pour les médecins) ; article R4127-215 du Code de la santé publique pour les chirurgiens-dentistes.
[[2]] CJUE 4 mai 2017 Vanderborght ; CJUE 23 octobre 2018 RG et SELARL cabinet dentaire du docteur RG
[[3]] ADLC décisions n°19-D-01 et n°19-D-02 du 15 janvier 2019
[[4]] in Etude relative aux règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité
[[5]] CE 3 mai 2018
[[6]] Plus précisément la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur
[[7]] CJUE 5 avril 2011 n° C-119/09
[[8]] Modification de l’article 152 du Code de déontologie des experts comptables par le décret 2014-912 du 18 août 2014