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Le remboursement du compte courant d’associé engage la responsabilité du dirigeant pour faute de gestion lorsqu’il place la société en difficulté financière


Rédigé par Joana Seddik & Mathieu Grandvalet le Vendredi 19 Novembre 2021

Dans une décision du 20 octobre 2021, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois que le remboursement du compte courant d’associé peut être constitutif d’une faute de gestion engageant la responsabilité du gérant lorsqu’elle se fait dans un contexte de difficultés financières.



La Cour de cassation avait déjà posé le principe selon lequel «  si les associés ont droit au remboursement à tout moment de leur compte courant, c’est à la condition que ce remboursement ne constitue pas un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l’entreprise. » (Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mai 2018 n°17-10.119)

Rappelons les faits de l’espèce : il s’agissait d’une SARL ayant pour activité le commerce de gros de boisson. Cette société avait été constituée à parts égales par deux associés. Dès le commencement, celle-ci rencontrait des soucis de rentabilité. Pour cette raison, son fournisseur principal avait pris la décision de la soutenir par l’octroi de délais de paiement ou par des apports de trésorerie.

Malgré ces aides, la société continuait d’enregistrer des pertes à chaque exercice. Un des associés, le gérant, a alors finalement procédé au remboursement de son compte courant d’associé le 19 décembre 2014. Puis, 5 mois plus tard, ce dernier a procédé à une déclaration de cessation des paiements conduisant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. A l’issue de celle-ci,  le tribunal de commerce a retenu une faute de gestion à l’encontre du gérant en raison du remboursement de son compte courant d’associé, par lequel il aurait contribué à l’insuffisance d’actif de la société.

Sur le fondement de l’article L.651-2 du Code de commerce, un gérant peut-être condamné au comblement de passif si une faute de gestion responsable d’une insuffisance d’actif est retenue. Pour réformer la décision rendue par les premiers juges, la cour d’appel retient, d’une part, qu’ « au jour où il a été procédé au paiement du compte courant d’associés [sic], les comptes bancaires étaient créditeurs d’une somme supérieure au montant du remboursement ». Par conséquent, selon la cour d’appel aucune faute de gestion ne peut être caractérisée à l’encontre du gérant. D’autre part, afin d’écarter le caractère fautif du retrait de fond, la cour d’appel retient le caractère potestatif de l’article des statuts organisant le remboursement de compte courant. Elle déclare ainsi nul, et en conséquence inapplicable, cet article des statuts.

La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par le liquidateur judiciaire, n’est pas du tout de l’avis de la cour d’appel. L’arrêt d’appel est cassé. La Cour de cassation, maintenant sa jurisprudence, retient alors le caractère fautif du retrait des fonds intervenu dans une période de difficultés financières pour la société : « En statuant par de tels motifs, impropres à exclure à eux seuls la faute du gérant, à qui le liquidateur reprochait d’avoir procédé au remboursement de son compte courant d’associé en parfaite connaissance des difficultés financières de la société et particulièrement de sa situation de trésorerie, pour privilégier sa situation personnelle, la cour d’appel, peu important le caractère potestatif qu’elle a attribué à l’article 7 des statuts, dont le refus d’application par elle ne suffisait pas à écarter le caractère fautif du retrait des fonds, dans les circonstances invoquées par le liquidateur, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Cette solution permet à la Cour de cassation de réaffirmer qu’une société se doit d’être gérée sans léser ses créanciers. Le compte courant d’associé ne peut être privilégié aux autres créanciers, et son remboursement leur causer du tort, notamment en poussant la société à la liquidation.

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 octobre 2021, 20-11.095, Inédit








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