Le confrère mis en cause dans l’espèce ici rapportée est avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Il lui a été reproché d’avoir omis de soulever un moyen de cassation tiré de l’irrecevabilité de l’assignation en redressement judiciaire à l’origine de la procédure ayant abouti au pourvoi dont il avait été chargé.
En effet, en cas de demande d’ouverture d’une procédure collective par assignation du créancier, l’article 7 du Décret n°85-1388 du 27 décembre 1985, alors applicable, imposait, à peine d’irrecevabilité, que l’assignation délivrée fasse notamment état des « procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de la créance ».
Il sera précisé pour la parfaite information du lecteur que ces dispositions ont depuis lors été abrogées, l’article R.631-2 du Code de commerce qui les a remplacées prévoyant désormais simplement que : « L'assignation d'un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. »
L’exigence formelle énoncée ci-dessus était néanmoins applicable à l’espèce, et n’avait pas été respectée par le créancier à l’origine de l’action en redressement contre la société cliente. Or, l’avocat aux Conseils de cette dernière avait omis de soulever ce moyen de cassation dans le cadre de son pourvoi.
Sa faute était donc bien constituée, comme le reconnait la Cour de cassation.
La société cliente n’a cependant pas obtenu satisfaction à la hauteur espérée. Elle sollicitait en effet dans le cadre de l’action en responsabilité contre son conseil la réparation d’un préjudice matériel qu’elle évaluait à la somme de de 3.033.907 euros, outre 250.000 euros de préjudice moral.
Or, la Cour de cassation (juridiction compétente au fond en matière de responsabilité professionnelle des avocats aux Conseils) n’a alloué à cette dernière, au titre de la réparation de son préjudice, « que » la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts.
En effet, en matière judiciaire, les avocats sont tenus d’une obligation de moyens. En d’autres termes, ils doivent tout mettre en œuvre pour obtenir une décision favorable à leur client, mais ne peuvent être tenus, à moins qu’une faute ne soit caractérisée à leur endroit, responsables d’une décision judiciaire défavorable.
Et même en cas de faute caractérisée, le préjudice indemnisable du client n’est jamais égal à 100% des conséquences pécuniaires de ladite décision. Il faut en effet tenir compte, là aussi, de l'inévitable part d’aléa judiciaire, raison pour laquelle le préjudice réparable est fixé en la matière à hauteur de la perte de chance de succès judiciaire causée par la faute de l’avocat.
Or, dans la présente espèce, il est plus que vraisemblable que si l’omission de l’Avocat aux Conseils avait été évitée, la situation du client n’en aurait pas pour autant été améliorée :
Il est à noter que dans cette espèce le client aurait pu faire le choix stratégique de poursuivre de préférence l’avocat l’ayant assisté dans la procédure au fond (qui a, le premier, omis de soulever l’absence des mentions obligatoires de l’assignation) avec, sans doute, de meilleures chances de succès, puisqu’il est probable qu’en se replaçant à la date de l’assignation en redressement initiale, les chances d’amélioration de la situation de la société justiciable auraient été meilleures qu’au stade de la cassation, sa situation financière s’étant définitivement obérée dans l’intervalle.
Cour de cassation, chambre civile 1, 20 décembre 2017, pourvois n° 16-28.167 et 16-50.063
En effet, en cas de demande d’ouverture d’une procédure collective par assignation du créancier, l’article 7 du Décret n°85-1388 du 27 décembre 1985, alors applicable, imposait, à peine d’irrecevabilité, que l’assignation délivrée fasse notamment état des « procédures ou voies d’exécution engagées pour le recouvrement de la créance ».
Il sera précisé pour la parfaite information du lecteur que ces dispositions ont depuis lors été abrogées, l’article R.631-2 du Code de commerce qui les a remplacées prévoyant désormais simplement que : « L'assignation d'un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. »
L’exigence formelle énoncée ci-dessus était néanmoins applicable à l’espèce, et n’avait pas été respectée par le créancier à l’origine de l’action en redressement contre la société cliente. Or, l’avocat aux Conseils de cette dernière avait omis de soulever ce moyen de cassation dans le cadre de son pourvoi.
Sa faute était donc bien constituée, comme le reconnait la Cour de cassation.
La société cliente n’a cependant pas obtenu satisfaction à la hauteur espérée. Elle sollicitait en effet dans le cadre de l’action en responsabilité contre son conseil la réparation d’un préjudice matériel qu’elle évaluait à la somme de de 3.033.907 euros, outre 250.000 euros de préjudice moral.
Or, la Cour de cassation (juridiction compétente au fond en matière de responsabilité professionnelle des avocats aux Conseils) n’a alloué à cette dernière, au titre de la réparation de son préjudice, « que » la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts.
En effet, en matière judiciaire, les avocats sont tenus d’une obligation de moyens. En d’autres termes, ils doivent tout mettre en œuvre pour obtenir une décision favorable à leur client, mais ne peuvent être tenus, à moins qu’une faute ne soit caractérisée à leur endroit, responsables d’une décision judiciaire défavorable.
Et même en cas de faute caractérisée, le préjudice indemnisable du client n’est jamais égal à 100% des conséquences pécuniaires de ladite décision. Il faut en effet tenir compte, là aussi, de l'inévitable part d’aléa judiciaire, raison pour laquelle le préjudice réparable est fixé en la matière à hauteur de la perte de chance de succès judiciaire causée par la faute de l’avocat.
Or, dans la présente espèce, il est plus que vraisemblable que si l’omission de l’Avocat aux Conseils avait été évitée, la situation du client n’en aurait pas pour autant été améliorée :
- D’une part, il y avait de très fortes chances que le moyen omis soit déclaré irrecevable car il aurait alors été soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, et aurait donc été considéré comme « mélangé de fait et de droit » (la Cour de cassation citant à cet égard sa propre jurisprudence établissant l’irrecevabilité du moyen dans cette hypothèse) ;
- D’autre part, même s’il avait été recevable, et s’il avait entraîné la cassation et donc anéanti a posteriori l’ouverture du redressement judiciaire, cela n’aurait pas d’eu incidence positive sur la situation de la société, qui avait été entre temps placée en liquidation judiciaire. Il était donc certain que cette société, qui présentait un passif de l’ordre de 600.000 euros, sans aucune possibilité d’apurement, aurait été à la première occasion de nouveau mise en liquidation.
Il est à noter que dans cette espèce le client aurait pu faire le choix stratégique de poursuivre de préférence l’avocat l’ayant assisté dans la procédure au fond (qui a, le premier, omis de soulever l’absence des mentions obligatoires de l’assignation) avec, sans doute, de meilleures chances de succès, puisqu’il est probable qu’en se replaçant à la date de l’assignation en redressement initiale, les chances d’amélioration de la situation de la société justiciable auraient été meilleures qu’au stade de la cassation, sa situation financière s’étant définitivement obérée dans l’intervalle.
Cour de cassation, chambre civile 1, 20 décembre 2017, pourvois n° 16-28.167 et 16-50.063