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Une importante réforme des règles du procès


Rédigé par Marie Perrazi le Jeudi 18 Mai 2006

A retenir : un décret de procédure, en vigueur au 1er mars 2006, institue de nouvelles règles dont l’objectif est d’accélérer le processus judiciaire en matière civile. Il impose notamment aux parties au procès de respecter les délais fixés par les juridictions ; renforce l’effectivité de l’exécution provisoire en interdisant à l’appelant de se présenter devant le juge d’appel avant d’avoir exécuté la décision. Il pose enfin les bases de la procédure de demain où les communications entre parties et rapports avec les juridictions ne se feront plus que par voie électronique.



Mi juin 2004, Monsieur Jean-Claude Magendie, Président du Tribunal de grande instance de Paris déposait son rapport intitulé « Célérité et qualité de la justice – La gestion du temps dans le procès ». Ce rapport avait pour objectif de proposer diverses réformes procédurales susceptibles de limiter au maximum ce qui contrarie le jeu normal de l’institution judiciaire au regard de l’exigence du « délai raisonnable » de traitement des dossiers, imposé par l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Certaines de ces préconisations sont reprises dans le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 « relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom », en vigueur au 1er mars 2006, qui modifie notre Nouveau Code de procédure civile (NCPC).

Il s’agit là d’une reforme importante de la procédure civile dont nous vous rapportons ici les dispositions qui sont susceptibles de vous concerner.

Dispositions relatives à la mise en état et à l’audience

Il existe devant le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel une étape préalable à l’audience de plaidoiries, appelée la « mise en état ». Cette étape est destinée à mettre le dossier en état d’être jugé. Avant toute comparution devant le juge, les parties doivent en effet s’être échangé l’ensemble de leurs arguments juridiques et moyens de preuve sous la surveillance d’un magistrat spécialement désigné à cet effet : le juge de la mise en état (JME) pour le Tribunal, le Conseiller de la mise en état pour la Cour d’appel (NCPC, art. 910).

Les dispositions du décret procédure ont principalement pour objectif de limiter les délais dus aux intervenants dans le procès.

Un calendrier de procédure est consacré, véritable contrat de procédure passé entre les parties et le JME. Celui-ci fixe, dès sa saisine, les dates à respecter impérativement pour le dépôt des écritures, les dossiers de plaidoiries et l’audience de plaidoiries. Afin de renforcer son caractère impératif, il est précisé qu’il ne peut être dérogé au calendrier qu’en cas de « cause grave et dûment justifiée » (NCPC, art. 764, al. 3).

Par ailleurs, en cas de défaillance de l’une des parties, le JME, sur demande de l’adversaire ou même d’office, peut prononcer la clôture partielle de la mise en état infligée à la seule partie négligente (NCPC, art. 780). Il est prévu que l’ordonnance de clôture partielle puisse être rétractée mais seulement pour permettre de répliquer à des demandes ou des moyens nouveaux présentés postérieurement à son prononcé ou en cas de cause grave et dûment justifiée.

Il est par ailleurs prévu un traitement des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance avant tout débat sur le fond. Ces exceptions et incidents doivent désormais, sous peine d’irrecevabilité, être soulevés devant le JME à moins qu'ils ne surviennent ou aient été révélés postérieurement au dessaisissement de ce juge (NCPC, art. 771, 1°). Les décisions du JME rendues à ce titre ont autorité de la chose jugée (NCPC, art. 775) et sont susceptibles d’un appel immédiat dans les 15 jours de leur signification (NCPC art. 776) suivant une procédure à bref délai (NCPC, art. 910).

Le JME a la faculté de demander un dépôt préalable du dossier de plaidoiries (NCPC, art. 779, al. 2), de nature à améliorer la préparation de son rapport oral. Ce rapport oral expose, sans faire connaître l’avis du magistrat, l’objet de la demande, les moyens des parties, les questions de fait et de droit soulevées par le litige, les éléments propres à éclairer le débat (NCPC, art. 785). Ces nouvelles dispositions devraient permettre la tenue de plaidoiries interactives comme cela est d'ores et déjà le cas devant le Tribunal de Commerce.

Il peut également être décidé par les avocats de déposer leur dossier sans le plaider (NCPC, art. 779, al. 3 et 786-1).

Enfin, le JME, qui pouvait jusqu’alors seulement constater la conciliation des parties, dispose désormais du pouvoir d’homologuer leur accord (NCPC, art. 768).

L’ensemble de ces dispositions devrait permettre de vider les questions de procédure avant d’aborder le fond du dossier et d’éliminer ainsi assez rapidement les affaires qui n’ont pas de chance de prospérer sur le plan procédural.

Dispositions relatives aux mesures d’instruction

Ces dispositions visent essentiellement l’expertise judiciaire, dont la lenteur est déplorée par tous.

En premier lieu, le juge doit fixer, lorsqu’il ordonne une mesure d’instruction, une date d’audience à laquelle l’affaire sera appelée devant lui pour un nouvel examen (NCPC, art. 153, al. 2).

L’expert désigné peut être informé de sa mission par tout moyen (NCPC, art. 267), se faire assister par toute personne de son choix, à condition de les mentionner dans son rapport (NCPC, art. 278-1 et 282, al. 4), écarter toute observation des parties non formulée dans les délais qu’il impartit.

Comme pour les conclusions, les parties doivent désormais récapituler leurs observations dans leurs dires successifs sous peine de les voir réputées abandonnées (NCPC, art. 276).

Enfin, le recouvrement de ses honoraires par l’expert est facilité (il peut prélever un acompte sur consignation, obtenir un complément de rémunération auprès du juge, complément ordonné sous peine de dépôt du rapport en l’état, il bénéficie par ailleurs de l’octroi automatique d’un titre exécutoire pour recouvrer ses honoraires).

Dispositions relatives au jugement

Il arrive que les magistrats décident de reporter la date du prononcé du jugement « pour plus ample délibéré » (NCPC, art. 450). Dans un tel cas, les parties doivent désormais en être avisées « par tout moyen », et les motifs de la prorogation et la nouvelle date à laquelle la décision sera rendue doivent leur être communiqués (NCPC, art. 450, al. 3).

Dispositions relatives aux voies de recours

Jusqu’à maintenant, il était possible de suspendre les effets d’un jugement de première instance en interjetant appel de la décision. Afin de supprimer le recours à l’appel à des fins dilatoires, le rapport Magendie avait préconisé de « poser le principe d’une exécution de plein droit des jugements de première instance », supprimant ainsi l’effet suspensif de l’appel.

La solution retenue est en définitive moins radicale puisqu’elle ne s’applique qu’aux décisions dont l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée. Elle traduit cependant un durcissement des règles relatives à l’exécution et mérite d’être mentionnée eu égard à ses effets.

L’intimé bénéficiant d’un jugement revêtu de l’exécution provisoire peut désormais demander la radiation du rôle de l’affaire si l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation prévue à l’art. 521 (cet article permet à la partie condamnée de demander au juge la suspension de l’exécution en contrepartie de la consignation d’espèces ou de valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation).

La décision de radiation n’intervient cependant qu’après recueil des observations des parties. L’appelant peut, à cette occasion, tenter de démontrer que l’exécution du jugement serait de nature à entraîner pour lui des « conséquences manifestement excessives » ou qu’il est « dans l’impossibilité d’exécuter la décision ».

Il est à noter que la radiation n’est qu’une mesure administrative qui a pour seule conséquence de sortir l’affaire du « rôle » de la Cour, c’est-à-dire que l’instance est suspendue et que l’affaire ne peut être jugée avant sa réintroduction. La réinscription de l’affaire au rôle de la Cour peut être autorisée par le Premier Président de la Cour (ou le CME) sur justification de l’exécution de la décision attaquée.

Cette réinscription est possible dès lors que la péremption de l’affaire n’est pas intervenue (la péremption est la sanction du défaut de diligence des parties pendant plus de 2 ans, elle emporte extinction de l’instance ce qui implique que aucun des actes de la procédure périmée ne peut plus avoir aucun effet).

Ainsi donc, sauf (i) à démontrer que l’exécution serait de nature à entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives ou, (ii) à démontrer qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter la décision ou, (iii) à être autorisé à consigner le montant de la condamnation, l’appelant d’une décision assortie de l’exécution provisoire se verra dans l’obligation de l’exécuter avant de présenter son dossier à la Cour afin d’obtenir l’infirmation de la décision critiquée.

Il est à noter que ces dispositions étaient d’ores et déjà en vigueur en ce qui concerne le pourvoi en cassation.

S’agissant de cette procédure, le décret ajoute à l’exception de « circonstances manifestement excessives », celle, comme en appel, de « l’impossibilité d’exécuter la décision ».

Par ailleurs, les renvois après cassation d’un arrêt en matière civile ne seront plus systématiquement portés aux audiences solennelles de la Cour d’appel de renvoi (audiences se tenant devant deux chambres sous la présidence du Premier Président). Désormais, la nature ou la complexité de l’affaire doit le justifier (art. R.212-5 Code de l’organisation judiciaire). Ceci devrait permettre d’accélérer les délais de procédure.

Dispositions relatives aux notifications et significations

Le décret modifie encore les formalités devant être accomplies par les huissiers à l’occasion des notifications et significations.

L’huissier de justice doit désormais, sous peine de nullité de la signification, relater dans son acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et, le cas échéant, les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.

La copie de l’acte peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire mais ne peut être laissée qu’à condition que la personne l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité (art. 655 NCPC).

Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage.

Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier, elle était antérieurement déposée en mairie, la copie de l’acte y est conservée pendant 3 mois (art. 656).

Dispositions relatives à la communication par voie électronique

Ces nouvelles dispositions n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2009. Elles peuvent cependant faire l’objet d’une application anticipée localement par voie de conventions entre le Président de la juridiction et les auxiliaires de justice concernés.

Un nouvel art. 729-1 NCPC prévoit la tenue du répertoire général, du dossier et du registre des secrétariats de juridictions sur support électronique.

Un nouveau titre XXI du NCPC prévoit que les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique (NCPC, art. 748-1). Cependant un certain nombre de garanties devra être respecté : accord express du destinataire (NCPC, art. 748-2) ; insertion d’un avis électronique de réception daté (NCPC, art. 748-3) ; les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire (NCPC, art. 748-6).

Il est enfin prévu que l’usage de la communication par voie électronique ne fera pas obstacle à la délivrance, sur demande, de l’expédition papier de la décision juridictionnelle revêtue de la formule exécutoire (NCPC, art. 748-5).

Instauration de la passerelle au Tribunal de commerce et au Tribunal paritaire des baux ruraux

Le décret transpose la procédure dite de « la passerelle », d’ores et déjà en vigueur devant le Tribunal de grande instance et le Tribunal d’instance, au Tribunal de commerce et au Tribunal paritaire des baux ruraux.

Le mécanisme de la passerelle permet au Président, saisi en référé, de renvoyer, à la demande de l’une des parties, et si l’urgence le justifie, l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. L’ordonnance emporte alors saisine du tribunal sans qu’il soit besoin de réassigner (TC : art. 873-1 NCPC ; TPBR : art. 896 NCPC).

Dispositions relatives à l’amende civile

Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné par la juridiction à une amende civile, ainsi qu’à des dommages-intérêts s’ils sont réclamés.

La fourchette de l’amende civile anciennement « de 15 à 1.500 euros » est remplacée par le décret par un plafond de 3.000 euros, cette disposition étant applicable dans toute les procédures (art. 32-1, 88, 207, 295, 305, 353, 559, 581, 1230 NCPC ; art. R.145-21 du Code du travail, art. 6 du décret du 1er mars 1973).








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