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Réforme du droit des obligations : Introduction de la notion d’imprévision contractuelle dans le Code civil


Rédigé par Mathilde Robert le Jeudi 15 Décembre 2016

L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, introduit pour la première fois dans le Code civil des règles relatives à l’imprévision contractuelle. Déjà connue du droit administratif, la théorie de l’imprévision consiste à considérer que le contrat doit pouvoir être modifié en cas de changement imprévisible de circonstances qui en affectent l’économie générale. Cette idée était jusqu’à présent exclue dans le cadre des contrats de droit privé, en application du sacro-saint principe de l’effet obligatoire des conventions, consacrant le caractère intangible des stipulations contractuelles hors la volonté des parties elles-mêmes.



Le nouvel article 1195 du Code civil, qui rompt résolument avec l’état du droit antérieur, dispose ainsi  :
 
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. 
 
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
 
Ces nouvelles dispositions ont un double mérite :
 
  • En premier lieu, elles tentent de donner une définition précise de la notion d’imprévision, qui, selon le législateur, relève bien d’une appréciation économique de l’opération telle qu’elle a été envisagée à la signature du contrat : il s’agit en effet d’un changement de circonstances rendant l’exécution du contrat « excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ».
 
  • En second lieu, elles ne se contentent pas de faire état d’une vague obligation de renégociation, mais prévoient une véritable sanction à cette obligation : en cas d’échec des parties dans la renégociation du contrat, le juge sera autorisé soit à mettre fin au contrat, soit à décider lui-même des modalités de sa révision. Ces dispositions ont l’avantage, à travers leur mécanisme à double détente, de laisser une large part à la volonté des parties, qui ne sera suppléée par le juge qu’en l’absence d’accord. Elles assurent ainsi une véritable efficacité de cette nouvelle mesure, tout en réaffirmant la primauté de la volonté des parties en matière contractuelle. Reste bien entendu à s’assurer que les cocontractants ne feront pas un usage abusif de ces dispositions pour imposer une renégociation hors des circonstances particulières ici visées par le législateur…
 
Ce texte présente en effet toutefois un inconvénient majeur : c’est une nouvelle atteinte à la force obligatoire du contrat, risquant ainsi de permettre les « inexécutions de confort ».
 
Précisons que ces dispositions sont supplétives de volonté, c’est-à-dire que les parties peuvent décider de les écarter lors de la conclusion du contrat.
 
Les parties qui acceptent par avance les risques imprévisibles et refusent toute modification ultérieure du contrat par le juge doivent donc penser à y introduire une clause en ce sens.
 
Contrairement à la plupart des autres dispositions de la réforme du droit des obligations qui se contentent de codifier à droit constant des solutions jurisprudentielles établies de longue date, cet article constitue une véritable nouveauté en droit privé, et instaure un nouveau rôle pour le juge.
 
Il conviendra de suivre avec attention le régime jurisprudentiel qui découlera de cette nouvelle institution. 








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