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La caution peut utiliser le droit au retrait litigieux que le débiteur aurait pu exercer.


Rédigé par Mathilde Robert le Jeudi 11 Avril 2024

Dans un arrêt rendu le 14 février 2024, la Cour de cassation a confirmé que la caution pouvait exercer le "droit au retrait litigieux" de l'article 1699 du code civil dans le contexte de la cession d'un portefeuille de créances, illustrant l'application de ce mécanisme dans des transactions complexes​.



Le mécanisme du retrait litigieux en droit français permet au débiteur d'une créance cédée de se libérer en rachetant cette créance au cessionnaire pour le prix payé par ce dernier. Ce droit est prévu par l'article 1699 du Code civil et vise à protéger le débiteur contre la spéculation, en cas de cession de créances douteuses ou litigieuses :

"Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite."

Les conditions de mise en oeuvre de l'article 1699 du Code civil, qui sont en principe interprétées strictement en jurisprudence, sont notamment les suivantes :
  • La créance doit être litigieuse, c'est-à-dire contestée ou sujette à un litige au moment de la cession ;
  • La cession doit avoir eu lieu à titre onéreux ;
  • Le débiteur doit exercer son droit dans un délai raisonnable après avoir été informé de la cession​ .
 
Dans l'affaire ici rapportée, une banque avait accordé un prêt à une société, garanti par une caution personnelle. La société était ensuite placée en liquidation judiciaire, et la banque a assigné la caution en paiement. Au cours de l'appel, la banque a cédé la créance garantie à un fonds de titrisation "en bloc", dans un portefeuille de créances.

La caution invoque l'article 1699 du code civil, relatif au droit au retrait litigieux. 

La décision rendue par la Cour de cassation apporte d'intéressantes précisions sur le régime qui lui est applicable.

La Cour de cassation confirme tout d'abord que la caution peut exercer le droit au retrait litigieux, ce droit n'étant pas réservé au seul débiteur principal, dans la mesure, où - comme c'était d'ailleurs expressément précisé ici dans l'acte - la cession porte sur la créance et "tous ses accessoires" et donc également ses garanties. A partir du moment où la caution est activée, elle devient dès lors débitrice principal, et défenderesse à l'action,  et peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 1699 du Code civil.

La Cour valide également l'argument suivant lequel la caution, en contestant la créance sur le fond (en l'espèce, sur le fondement de la nature disproportionnée de l'engagement), rend celle-ci litigieuse au sens de l'article 1699 du code civil.

S'agissant enfin de l'incidence de la cession en bloc, elle précise que la cession d’un portefeuille de créances ne fait pas obstacle à l’exercice du droit au retrait litigieux pourvu que le prix de la créance cédée puisse être déterminé. Elle valide à ce sujet une méthode arithmétique pour déterminer ici le prix de chaque créance en divisant le prix global payé par le nombre de créances cédées,  méthode pouvant être désavantageuse pour le fonds de titrisation.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2024, 22-19.801








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