En l’espèce, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Lyon avait saisi le conseil régional de discipline institué dans le ressort de la cour d’appel de Lyon d’une action disciplinaire à l’encontre de M. X avocat audit barreau. Ce dernier a, le 16 octobre 2012, formé une demande de renvoi pour suspicion légitime visant la formation de jugement. Le président du conseil de discipline a transmis le dossier au premier président de la cour d’appel de Lyon lequel a par ordonnance du 29 mars 2013 distribué l’affaire à une autre formation du conseil. Le 29 mai suivant, le bâtonnier a fait citer M. X à comparaître devant la formation de renvoi.
M. X a soulevé devant la cour d’appel de Dijon la violation des dispositions de l’article 195 du décret du 27 novembre 1991 selon lequel :
« Si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel.
Lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée ou lorsqu'elle prononce un renvoi à la demande de l'une des parties, l'instance disciplinaire peut décider de proroger ce délai dans la limite de quatre mois. La demande de renvoi, écrite, motivée et accompagnée de tout justificatif, est adressée au président de l'instance disciplinaire ou, à Paris, au président de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre ».
La cour d’appel a jugé qu’en « déférant la demande au premier président, alors que le délai de huit mois prescrit par le texte n’était pas écoulé, et en s’abstenant de statuer jusqu’à la décision prise par ce magistrat, le président du conseil régional de discipline a fait implicitement application des dispositions de l’article 361 alinéa 2 du Code de procédure civile, sursoyant à statuer avant dire droit, et suspendant ainsi le cours de l’instance, et partant, le délai de huit mois fixé par les dispositions de l’article 195 du décret ci-dessus visé ».
La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 361, alinéa 2 du Code de procédure civile et l’article 195, alinéa 1er et 2 précités jugeant que « la décision de surseoir à statuer ne peut être implicite ».
En principe, « l'instance n'est pas suspendue devant la juridiction dont le dessaisissement est demandé ». Cependant, si le président de la juridiction peut ordonner le sursis à statuer encore faut-il que sa décision ne soit pas implicite.
La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion d’approuver le refus du sursis à statuer par une formation disciplinaire, « dès lors que tous les membres de la composition étaient visés, qu’il s’agissait d’une demande de suspicion légitime, n’imposant pas qu’il soit sursis à statuer » (CA Paris, 14 déc. 2017, n° 16/11972, 17/0963).
Quid en matière de récusation ?
Conformément à l’article 143 du décret, « le bâtonnier peut s'abstenir. Il ne peut être récusé que pour une des causes prévues à l'article 341 du Code de procédure civile.
La demande de récusation du bâtonnier est déposée au secrétariat de l'ordre des avocats. Elle est instruite et jugée dans les formes prévues aux articles 344 à 354 du code de procédure civile. En cas d'abstention ou de récusation du bâtonnier en exercice, il est remplacé par le plus ancien bâtonnier dans l'ordre du tableau, membre du conseil de l'ordre ou, à défaut, par le membre du conseil de l'ordre le plus ancien dans l'ordre d'inscription au tableau ».
L’article 149 du même décret prévoit que « sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le bâtonnier est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de sa saisine à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel. Ce délai peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En cas d'urgence, il est tenu de rendre sa décision dans le mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit du premier président de la cour d'appel ».
On retrouve les mêmes dispositions à l’article P.71.5.4 du RIBP, « sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le bâtonnier ou son délégataire est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de la date à laquelle la saisine est parvenue à l'ordre, à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel ».
De manière résiduelle, l’article 277 du décret précité prévoit que « il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret ».
Or, l’article 346 du CPC prévoyait que « le juge, dès qu'il a communication de la demande, doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation.
En cas d'urgence, un autre juge peut être désigné, même d'office, pour procéder aux opérations nécessaires ».
En d’autres termes, le sursis à statuer était de droit dans le cadre des demandes de récusation alors qu’il était facultatif en matière de demandes de renvoi pour suspicion légitime.
Cependant, depuis le décret n°2017-892 du 6 mai 2017, les régimes juridiques de la suspicion légitime et de la récusation ont été unifiés sur ce point.
L’article 345 du Code de procédure civile prévoit ainsi que « le président de la juridiction faisant l'objet d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ou à laquelle appartient le magistrat dont la récusation est demandée, ainsi que le magistrat concerné, sont avisés par tout moyen par le premier président de la requête dont il est saisi. Selon le cas, le président de la juridiction ou le magistrat concerné est invité à présenter ses observations.
"Lorsque le magistrat concerné s'abstient, le président de la juridiction en informe sans délai le premier président.
"La requête présentée au premier président ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé. Toutefois, le premier président peut, après avis du procureur général, ordonner qu'il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu'à la décision sur la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ».
Si l’on fait application de l’arrêt commenté, que l’on soit en matière de récusation ou en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime, la décision de surseoir à statuer ne doit pas être implicite.
Cass. civ. 1re, 28 nov. 2018, n° 17-16523
M. X a soulevé devant la cour d’appel de Dijon la violation des dispositions de l’article 195 du décret du 27 novembre 1991 selon lequel :
« Si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel.
Lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée ou lorsqu'elle prononce un renvoi à la demande de l'une des parties, l'instance disciplinaire peut décider de proroger ce délai dans la limite de quatre mois. La demande de renvoi, écrite, motivée et accompagnée de tout justificatif, est adressée au président de l'instance disciplinaire ou, à Paris, au président de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre ».
La cour d’appel a jugé qu’en « déférant la demande au premier président, alors que le délai de huit mois prescrit par le texte n’était pas écoulé, et en s’abstenant de statuer jusqu’à la décision prise par ce magistrat, le président du conseil régional de discipline a fait implicitement application des dispositions de l’article 361 alinéa 2 du Code de procédure civile, sursoyant à statuer avant dire droit, et suspendant ainsi le cours de l’instance, et partant, le délai de huit mois fixé par les dispositions de l’article 195 du décret ci-dessus visé ».
La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 361, alinéa 2 du Code de procédure civile et l’article 195, alinéa 1er et 2 précités jugeant que « la décision de surseoir à statuer ne peut être implicite ».
En principe, « l'instance n'est pas suspendue devant la juridiction dont le dessaisissement est demandé ». Cependant, si le président de la juridiction peut ordonner le sursis à statuer encore faut-il que sa décision ne soit pas implicite.
La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion d’approuver le refus du sursis à statuer par une formation disciplinaire, « dès lors que tous les membres de la composition étaient visés, qu’il s’agissait d’une demande de suspicion légitime, n’imposant pas qu’il soit sursis à statuer » (CA Paris, 14 déc. 2017, n° 16/11972, 17/0963).
Quid en matière de récusation ?
Conformément à l’article 143 du décret, « le bâtonnier peut s'abstenir. Il ne peut être récusé que pour une des causes prévues à l'article 341 du Code de procédure civile.
La demande de récusation du bâtonnier est déposée au secrétariat de l'ordre des avocats. Elle est instruite et jugée dans les formes prévues aux articles 344 à 354 du code de procédure civile. En cas d'abstention ou de récusation du bâtonnier en exercice, il est remplacé par le plus ancien bâtonnier dans l'ordre du tableau, membre du conseil de l'ordre ou, à défaut, par le membre du conseil de l'ordre le plus ancien dans l'ordre d'inscription au tableau ».
L’article 149 du même décret prévoit que « sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le bâtonnier est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de sa saisine à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel. Ce délai peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En cas d'urgence, il est tenu de rendre sa décision dans le mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit du premier président de la cour d'appel ».
On retrouve les mêmes dispositions à l’article P.71.5.4 du RIBP, « sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le bâtonnier ou son délégataire est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de la date à laquelle la saisine est parvenue à l'ordre, à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel ».
De manière résiduelle, l’article 277 du décret précité prévoit que « il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret ».
Or, l’article 346 du CPC prévoyait que « le juge, dès qu'il a communication de la demande, doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation.
En cas d'urgence, un autre juge peut être désigné, même d'office, pour procéder aux opérations nécessaires ».
En d’autres termes, le sursis à statuer était de droit dans le cadre des demandes de récusation alors qu’il était facultatif en matière de demandes de renvoi pour suspicion légitime.
Cependant, depuis le décret n°2017-892 du 6 mai 2017, les régimes juridiques de la suspicion légitime et de la récusation ont été unifiés sur ce point.
L’article 345 du Code de procédure civile prévoit ainsi que « le président de la juridiction faisant l'objet d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ou à laquelle appartient le magistrat dont la récusation est demandée, ainsi que le magistrat concerné, sont avisés par tout moyen par le premier président de la requête dont il est saisi. Selon le cas, le président de la juridiction ou le magistrat concerné est invité à présenter ses observations.
"Lorsque le magistrat concerné s'abstient, le président de la juridiction en informe sans délai le premier président.
"La requête présentée au premier président ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé. Toutefois, le premier président peut, après avis du procureur général, ordonner qu'il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu'à la décision sur la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ».
Si l’on fait application de l’arrêt commenté, que l’on soit en matière de récusation ou en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime, la décision de surseoir à statuer ne doit pas être implicite.
Cass. civ. 1re, 28 nov. 2018, n° 17-16523