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L’honoraire de résultat n’est dû qu’au prononcé d’une décision irrévocable


Rédigé par Ange-Patrick Koffi et Mathilde Robert le Mercredi 30 Novembre 2022

Retour sur une décision rendue le 8 juillet 2021 par la Cour de cassation, laquelle fait une application – nous semble-t-il – trop extensive de la règle prétorienne largement établie suivant laquelle l’honoraire de résultat n’est dû qu’au prononcé d’une décision irrévocable.



Selon l’article 10 alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 : « (…) Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu (…) ».
 
Au visa de ce texte, la Cour de cassation décide de façon constante que les honoraires de résultat, lorsqu’ils sont stipulés, ne sont dus qu’à « la fin du litige » ou « après service rendu ».
 
Ainsi, elle juge que l’honoraire de résultat est dû lorsqu’il est « mis fin à l’instance par une décision irrévocable »[[1]] et que, dans l’hypothèse où l’avocat serait dessaisi avant l’obtention d’une telle décision, la convention d’honoraires au résultat devra être écartée et les honoraires dus pour sa mission partiellement effectuée fixés au regard des seuls critères définis par l’article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 – c’est-à-dire fixés par le Bâtonnier, à qui il revient alors d’évaluer le temps passés et le taux horaire de l’avocat au regard des diligences effectuées par ce dernier.
 
Que faut-il entendre par « décision irrévocable » ? La Cour de cassation en donne elle-même une définition très précise : « la notion de décision « définitive » qui peut être attaquée par une voie de recours, doit être distinguée de celle de décision « irrévocable », qui ne peut plus être remise en cause par l'exercice d'une voie de recours ordinaire ou extraordinaire. » (Civ. 2ème 8 juillet 2004 pourvoi n° 02-15.893).
 
Dans l’espèce ici commentée, une avocate avait conclu avec des clients deux conventions d’honoraires successives. La première, le 5 novembre 2013, et la seconde, le 29 juillet 2015, après qu'un appel ait été relevé de la décision de première instance leur donnant gain de cause. Les conventions prévoyaient, outre un honoraire fixe, un honoraire de résultat de 5 % HT sur la différence entre les sommes réclamées par le demandeur et celles allouées par la juridiction.
 
L’avocate a prétendu pouvoir facturer deux fois l’honoraire de résultat, sur le fondement des deux conventions rédigées de façon identique l’une pour la première instance et l’autre pour l’appel, entrainant la contestation de ses clients. La cour d’appel de Paris les a cependant condamnés sur le fondement de la force obligatoire des conventions. Ils se sont alors pourvus en cassation soutenant que l’arrêt confirmatif obtenu en l’espèce aboutit au même résultat que celui obtenu devant les premiers juges, de sorte que l’avocate ne pouvait prétendre qu’à un seul honoraire de résultat.
 
La Cour de cassation retient que le juge du fond : « qui a alloué un honoraire de résultat au titre d’une décision juridictionnelle non irrévocable a violé le texte ».

La jurisprudence semble donc interdire ici de façon absolue l’exigibilité des honoraires de résultat tant qu’il n’a pas été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, quelles que soient les stipulations de la convention d’honoraire.

Cependant, nous comprenons que dans cette espèce, il n’était pas expressément stipulé qu’un honoraire de résultat serait dû en première instance et en appel, et qu’il serait possible d’en cumuler les montants. On peut s’interroger sur la solution qui serait retenue par la jurisprudence dans une telle hypothèse.

Il nous semble que la jurisprudence devrait privilégier l’interprétation de la volonté des parties plutôt que d’ériger en règle absolue le principe que seule une décision définitive qui n’est plus susceptible d’aucune voies de recours peut donner lieu à un honoraire de résultat.

D’ailleurs dans une décision rendue en juillet 2020, la Cour de Cassation a considéré que : « Si l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement »[[2]]

Il y a sans doute là une possibilité d’infléchissement de la règle, car on ne voit pas pourquoi les parties ne pourraient prévoir, au titre de ces modalités, que l’honoraire de résultat dû à l’issue de la première instance reste acquis à l’avocat missionné quelle que soit l’issue d’un éventuel appel. 
 

Cour de cassation, chambre civile 2, 8 juillet 2021, 20-10.850



 

 


[[1]] Cass.2e Civ 10 novembre 2005, et Cass.2e civ. 14 juin 2006, n° 03-18.718
[[2]] Cass. 2e civ 25 juin 2020, n° 19-16.380








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