ParaBellum | Information Juridique | Une publication Touzet Bocquet & Associés
Parabellum
Logo Parabellum

LES SOCIETES PLURI-PROFESSIONNELLES D’EXERCICE APRES L’ORDONNANCE DU 8 FEVRIER 2023


Rédigé par Philippe Touzet le Jeudi 23 Janvier 2025

L'ordonnance du 8 février 2023 est entrée en vigueur le 1er septembre 2024. Nous republions sur parabellum, sous la forme d'une série d'articles, le commentaire paru en septembre 2024 dans la revue Droit et patrimoine.



Les sociétés pluri-professionnelles d’exercice font l’objet du livre IV de l’ordonnance, et de 14 articles numérotés 96 à 109. Relativement à l’objectif initial de simplification, on regrettera l’option retenue par les pouvoirs publics, qui ont choisi, malgré les préconisations des professionnels, notamment du CNB, de donner à la SPE un régime spécifique, distinct de celui des SEL, alors que la logique de la réforme, comme on l’a vu, est de repartir du droit commun et de lui ajouter une couche réglementaire dont l’application, en plus de celle du code de commerce, fait de la SARL une SELARL et de la SAS une SELAS, dès lors que l’objet social de la société est l’exercice d’une PLR et que les associés ont souhaité adopter la dénomination d’une SEL. Cette logique aurait donc du conduire à ce que cette société, SEL ou SEDC, devienne une SPE dès lors que son objet est l’exercice de plusieurs PLR : la SPE est une SEL, qui elle-même est une société de droit commun, et son régime applicable aurait été successivement : le code de commerce, sauf dispositions spéciales aux SEL, sauf dispositions spéciales aux SPE.

Ainsi, si l’article 96 définit bien la SPE par son objet social : « La société pluri-professionnelle d'exercice a pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de commissaire de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle, de commissaire aux comptes, d'expert-comptable et de géomètre-expert. » mais l’ordonnance redéfinit ensuite le régime juridique de la SPE dans tous ses aspects [1], ce qui occupe l’essentiel des articles consacrés à cette structure, c’est-à-dire 9 articles sur 14 au total [2].

À noter l’extension de la liste des professions qui se voit ajouter celle de géomètre expert.

De ce texte, on tirera deux conséquences : (i) l’article 96 prévoit que : « Cette société peut revêtir toute forme sociale, à l'exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elle est régie par les règles particulières à la forme sociale choisie et par les dispositions du présent livre » ; la SPE peut donc revêtir la forme d’une société de droit commun non soumise à l’ordonnance [3]; et (ii) il est certain que la SPE n’est pas une SEL [4], puisqu’elle n’est pas soumise au livre III de l’ordonnance [5], mais seulement au code de commerce et au livre IV [6]. En synthèse, la SPE peut être, au choix de ses associés, soit une SEL, soit une société de droit commun (SPEDC) non soumise au livre III, toutes formes étant admises sauf celles donnant aux associés la qualité de commerçant.

Enfin, on notera que la SPE peut exercer, selon l’autorisation expresse du quatrième alinéa de l’article 96, « à titre accessoire, toute activité commerciale dont la loi ou le décret n'interdit pas l'exercice à l'une au moins des professions qui constituent son objet social. »
Le régime spécial de la SPE est ensuite défini par les huit articles suivants : (i) l’article 97 détermine les conditions de dénomination sociale de la société qui doit inclure, outre les mentions légales liées à la forme de la société, l’indication « société pluri professionnelle d’exercice » ou les initiales « SPE », suivies ou précédées des professions exercées ; (ii) l’article 98 conditionne l’exercice d’une profession à son agrément préalable par l’ordre autorité compétente ; (iii) l’article 99 réaffirme la même règle en matière de RCP que l’article 43 [7], et aurait donc pu être évité ; (iv) l’article 100 réglemente l’information des ordres, dans les mêmes conditions et termes que l’article 44 ; il aurait pu tout autant être évité ; (v) l’article 101 réglemente la détention du capital et des droits de vote dans des conditions identiques à celle de l’article 31-6 L. 1990 : la totalité du capital et des droits de vote ne peut être détenue que par des professionnels exerçant leur profession au sein de la société (1°), ou par des personnes morales détenues par les premiers (2°), ou par une personne européenne répondant aux conditions du 1° pour les personnes physiques et du 2° pour les personnes morales ; bien entendu, la société doit comprendre au moins un associé de chaque profession exercée ; (vi) l’article 102 reproduit les dispositions de l’article 54 concernant les personnes faisant l’objet d’une interdiction professionnelle ;  (vii) c’est la même chose pour l’article 103, qui reproduit les dispositions de l’article 49 concernant la forme nominative des actions ; (viii) l’article 104 reproduit les dispositions de l’article 53 en matière de régularisation de conformité de la détention du capital et des droits de vote.

Les deux régimes sont donc très proches. Là où la SPE se distingue, c’est au niveau de son fonctionnement. Le chapitre III qui lui est consacré contient quatre articles (105 à 109). Ces textes, très proches ou similaires à ceux de la loi de 1990, n’appellent pas de longs commentaires : (i) l’article 105 reproduit les dispositions de l’article 31-8 de la loi de 1990, et prévoit dans les mêmes conditions que les statuts doivent garantir l’indépendance de l’exercice des associés, des collaborateurs et des salariés , ainsi que le respect de la déontologie ; (ii) le second alinéa de l’article 31-8, concernant les déclarations de conflit d’intérêts,  devient  un article distinct (art. 108) ; à noter que le décret de 2017 [8] prévoyait que lors de la constitution de la SPE, chaque associé en exercice devait fournir une déclaration sur l’honneur attestant de l’absence de conflit d’intérêts entre ses activités en cours et celle des autres associés de la SPE. Cette disposition sera sans doute reprise dans un décret à venir ; (iii) l’article 106 reproduit les dispositions de l’article 31-9 de la loi de 1990, concernant l’information du client sur la nature des prestations pouvant être offertes par la SPE, dans des termes identiques ; (iv) l’article 107 reproduit les dispositions de l’article 31-10 notamment en ce qui concerne le partage possible du secret professionnel toujours sous conditions de l’accord du client. La notion de « professionnel exerçant » est désormais centrale dans ce partage.

Enfin, l’article 109 prévoit qu’un décret détaillera les conditions de fonctionnement de la SPE. Il faut espérer une amélioration des dispositions du décret précité de 2017, lequel prévoyait par exemple « une comptabilité distincte pour chaque profession exercée par la société [9] », ce qui est maladroit : il serait préférable de prévoir la tenue d’une comptabilité analytique par profession. Par ailleurs, le décret prévoira-t-il des dispositions, totalement absente du décret 2017, en matière de résolution des litiges entre associés ? Ce sujet est délicat du fait de l’exercice de plusieurs PLR, chacune d’elle étant soumise à un régime différent du point de vue de la résolution des litiges entre ses membres. Dans l’ancien régime, il était vivement conseillé d’ajouter, dans les statuts, une clause compromissoire, ou d’y définir de façon précise les conditions de la procédure.

Un point de satisfaction dans ce régime peu audacieux : la profession d’avocat avait demandé la suppression du régime des SEL pluri professionnelles, prévue par le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1990 [10] (et jamais mis en œuvre, faute de publication des décrets). En effet, on ne voit pas l’intérêt de multiplier à foison les régimes de pluri professionnalité : il existe déjà la SPFPL interprofessionnelle et la SPE, c’est bien suffisant. Cette possibilité est désormais supprimée.

Enfin, signalons que le décret d’application prévu à l’article 109 de l’ordonnance devra préciser (i) 5° « Les cas où une personne physique ou morale associée peut être exclue de la société, en précisant les garanties morales, procédurales et patrimoniales qui lui sont accordées dans ces cas ; et (ii)  « 6° La détermination de l'autorité compétente pour exercer le contrôle sur la société, les modalités de ce contrôle ainsi que les conditions dans lesquelles le secret professionnel est opposable ».
 
[[1]] Cf. infra
[[2]] Soit les articles 96 à 104
[[3]] et par conséquent échapper au régime fiscal de la rémunération des associés de SEL
[[4]] En ce sens, B Dondero, op. préc.
[[5]] Livre III : DES SOCIETES D'EXERCICE LIBERAL
[[6]] Livre IV : DES SOCIETES PLURI-PROFESSIONNELLES D'EXERCICE
[[7]] Ancien art. 16 L. 1990
[[8]] Article 2 du décret 2017-794  du 5 mai 2017
[[9]] D. 2017 préc., art. 29
[[10] Disposition ajoutée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999








Bienvenue sur Parabellum, la newsletter du cabinet Touzet Associés.
Parabellum en chiffres, c’est 1000 articles, 20 000 abonnés, de 20 à 30.000 pages vues chaque mois
Parabellum est diffusé en RSS par la Grande Bibliothèque du Droit, par l’AFDCC, et par Doctrine
Depuis 2009, nos équipes décryptent l’actualité en droit des professions réglementées, droit des sociétés, droit de l’associé, et droit du créancier.
Dans tous nos articles, nous vous proposons des analyses pratiques et concrètes, afin de mettre en perspective les différents sujets traités et vous aider à prendre des décision éclairées