L’espèce objet de ce commentaire concerne une société, la Cristallerie de Montbronn, spécialisée dans la création et la fabrication de produits d'arts de la table en cristal, qui reprochait des pratiques commerciales trompeuses à la société Cristal de Paris, concurrente située dans la même rue.
En particulier, alors qu’elle commercialisait des produits en cristal fabriqués en Chine et en Europe, ainsi que des produits en verre, cristallin et luxion, la société Cristal de Paris se présentait comme un « haut lieu du verre taillé en Lorraine » et un « spécialiste de la taille », ses catalogues laissant croire que l'ensemble des produits serait en cristal « made in France ».
La société Cristallerie de Montbronn l'a donc assignée aux fins de cessation de ces pratiques illicites et indemnisation de son préjudice, que la Cour d’appel a fixé à 300.000 euros.
La société Cristal de Paris a alors formé un pourvoi critiquant l’arrêt pour avoir déterminé le montant de l’indemnisation à partir de l’économie réalisée par l'auteur de la prétendue pratique illicite, aux lieu et place du préjudice subi par la prétendue victime, en violation de l'article 1240 du code civil.
C’est autour de cette indemnisation que réside l’intérêt de l’arrêt du 12 février 2020 de la chambre commerciale de la Cour de cassation.
La Cour de cassation, tout d’abord, rappelle (i) que le propre de la responsabilité civile est de replacer, aussi exactement que possible, la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; (ii) que le juge apprécie souverainement le montant du préjudice, dont il justifie l'existence par la seule évaluation qu'il en fait ; (iii) que méconnaît son office le juge qui refuse d'évaluer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe, bien qu’il ne puisse pas allouer une réparation forfaitaire, c'est-à-dire sans rapport avec l'étendue du préjudice subi.
La Cour ajoute que tout acte de concurrence déloyale engendre nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral. Selon la Cour, cette présomption, qui ne dispense pas le demandeur de démontrer l'étendue de son préjudice, répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire, lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer.
A cet égard, de façon novatrice et pédagogique, la Cour de cassation précise que « si les effets préjudiciables des pratiques tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu'elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner et une perte subie, y compris sous l'angle d'une perte de chance, tel n'est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ».
Ainsi, la Cour rejette le pourvoi de la société Cristal de Paris en jugeant que « appelée à statuer sur la réparation d'un préjudice résultant d'une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, la cour d'appel a pu, pour évaluer l'indemnité devant être allouée à la société Cristallerie de Montbronn, tenir compte de l'économie injustement réalisée par la société Cristal de Paris, qu'elle a modulée en tenant compte des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par lesdits agissements ».
Le principe de la décision mérite d’être approuvé : le fait qu’il soit difficile d’évaluer avec précision le préjudice subi par une entreprise en raison des économies réalisées déloyalement par un concurrent, ne doit pas conduire à exclure sa réparation.
Cass. com, 12 février 2020, n° 17-31.614
En particulier, alors qu’elle commercialisait des produits en cristal fabriqués en Chine et en Europe, ainsi que des produits en verre, cristallin et luxion, la société Cristal de Paris se présentait comme un « haut lieu du verre taillé en Lorraine » et un « spécialiste de la taille », ses catalogues laissant croire que l'ensemble des produits serait en cristal « made in France ».
La société Cristallerie de Montbronn l'a donc assignée aux fins de cessation de ces pratiques illicites et indemnisation de son préjudice, que la Cour d’appel a fixé à 300.000 euros.
La société Cristal de Paris a alors formé un pourvoi critiquant l’arrêt pour avoir déterminé le montant de l’indemnisation à partir de l’économie réalisée par l'auteur de la prétendue pratique illicite, aux lieu et place du préjudice subi par la prétendue victime, en violation de l'article 1240 du code civil.
C’est autour de cette indemnisation que réside l’intérêt de l’arrêt du 12 février 2020 de la chambre commerciale de la Cour de cassation.
La Cour de cassation, tout d’abord, rappelle (i) que le propre de la responsabilité civile est de replacer, aussi exactement que possible, la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ; (ii) que le juge apprécie souverainement le montant du préjudice, dont il justifie l'existence par la seule évaluation qu'il en fait ; (iii) que méconnaît son office le juge qui refuse d'évaluer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe, bien qu’il ne puisse pas allouer une réparation forfaitaire, c'est-à-dire sans rapport avec l'étendue du préjudice subi.
La Cour ajoute que tout acte de concurrence déloyale engendre nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral. Selon la Cour, cette présomption, qui ne dispense pas le demandeur de démontrer l'étendue de son préjudice, répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire, lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer.
A cet égard, de façon novatrice et pédagogique, la Cour de cassation précise que « si les effets préjudiciables des pratiques tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu'elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner et une perte subie, y compris sous l'angle d'une perte de chance, tel n'est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ».
Ainsi, la Cour rejette le pourvoi de la société Cristal de Paris en jugeant que « appelée à statuer sur la réparation d'un préjudice résultant d'une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, la cour d'appel a pu, pour évaluer l'indemnité devant être allouée à la société Cristallerie de Montbronn, tenir compte de l'économie injustement réalisée par la société Cristal de Paris, qu'elle a modulée en tenant compte des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par lesdits agissements ».
Le principe de la décision mérite d’être approuvé : le fait qu’il soit difficile d’évaluer avec précision le préjudice subi par une entreprise en raison des économies réalisées déloyalement par un concurrent, ne doit pas conduire à exclure sa réparation.
Cass. com, 12 février 2020, n° 17-31.614