Nos lecteurs connaissent notre combat, depuis 2012, pour l’application de l’article L. 441-10 du Code de commerce, et l’efficacité de ce texte, qui, applicable uniquement dans les procédures de recouvrement des créances professionnelles, permet à la partie gagnante d’obtenir le remboursement de 100% des frais réels (d’avocat ou internes) qu’elle a dû engager pour obtenir paiement.
Dans tous les autres types de contentieux, l’article L.441-10 n’est pas applicable et c’est l’article 700 du Code de procédure civile, le texte de droit commun, qui permet à la partie gagnante de demander au juge la condamnation de la partie perdante à lui rembourser les « frais exposés et non compris dans les dépens », c’est-à-dire pour l’essentiel les honoraires de son avocat.
Or, depuis son entrée en vigueur en 1976, cette indemnisation est soumise à l’appréciation en « équité » du juge. Dans sa version actuelle, l’article 700 prévoit toujours que « dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée » et qu’il peut « même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations ».
En pratique, ce texte est très notoirement inefficace.
D’abord la partie gagnante est fréquemment déboutée de toute demande à ce sujet ; lorsqu’elle ne l’est pas, elle se voit allouer des montants considérablement inférieurs aux frais qu’elle a dû réellement exposer pour faire valoir ses droits.
Le marché s’est résigné au point que les avocats ne pensent même plus à produire leurs factures et se contentent de formuler la demande sans la justifier, ce qui est un peu compréhensible mais toutefois dommage, la justification étant tout de même le seul moyen d’obtenir une indemnisation un peu moins décorrélée de la réalité.
La difficulté tient à la marge d’appréciation sans doute excessive qui est laissée au juge par l’article 700 : même lorsque les justificatifs sont produits, le juge peut parfaitement rejeter souverainement la demande.
Or, comme nous le dénonçons régulièrement, ce mécanisme favorise le débiteur de l’obligation – qui a souvent intérêt à traîner jusqu’à la condamnation – et pénalise la partie gagnante du procès : pour obtenir ce qui lui est dû, elle aura été forcée d’exposer des frais qui ne lui seront pas indemnisés.
Le rapport Perben, remis cet été au Garde des Sceaux, propose de mettre fin à ce système et à sa part d’arbitraire et suggère de modifier l’article 700 de la manière suivante :
« le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° à l’autre partie la sommequ’il détermine qu’elle a exposée au titre de sa défense, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur présentation des factures. (…) Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. IL peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’u a pas lieu à ces condamnations apprécie le montant des sommes demandées au regard de l’intérêt du litige. (…) ».
Le changement de paradigme est évident : exit l’équité ; exit la situation de la partie perdante qui n’est plus prise en compte. Exit également la possibilité pour le juge d’exclure toute indemnisation : ce dernier devra vérifier les factures produites par le demandeur et apprécier leur montant au seul regard de l’intérêt du litige.
Nous ignorons le calendrier de cette réforme, mais M. le Garde des Sceaux a promis qu’il ne laisserait pas le rapport Perben « dormir du sommeil de l’injuste ».
Souhaitons, avec nos bons vœux, que cette proposition soit adoptée et ce texte scélérat enfin réformé !
Rapport Perben sur l'avenir de la profession d'avocat
Dans tous les autres types de contentieux, l’article L.441-10 n’est pas applicable et c’est l’article 700 du Code de procédure civile, le texte de droit commun, qui permet à la partie gagnante de demander au juge la condamnation de la partie perdante à lui rembourser les « frais exposés et non compris dans les dépens », c’est-à-dire pour l’essentiel les honoraires de son avocat.
Or, depuis son entrée en vigueur en 1976, cette indemnisation est soumise à l’appréciation en « équité » du juge. Dans sa version actuelle, l’article 700 prévoit toujours que « dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée » et qu’il peut « même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations ».
En pratique, ce texte est très notoirement inefficace.
D’abord la partie gagnante est fréquemment déboutée de toute demande à ce sujet ; lorsqu’elle ne l’est pas, elle se voit allouer des montants considérablement inférieurs aux frais qu’elle a dû réellement exposer pour faire valoir ses droits.
Le marché s’est résigné au point que les avocats ne pensent même plus à produire leurs factures et se contentent de formuler la demande sans la justifier, ce qui est un peu compréhensible mais toutefois dommage, la justification étant tout de même le seul moyen d’obtenir une indemnisation un peu moins décorrélée de la réalité.
La difficulté tient à la marge d’appréciation sans doute excessive qui est laissée au juge par l’article 700 : même lorsque les justificatifs sont produits, le juge peut parfaitement rejeter souverainement la demande.
Or, comme nous le dénonçons régulièrement, ce mécanisme favorise le débiteur de l’obligation – qui a souvent intérêt à traîner jusqu’à la condamnation – et pénalise la partie gagnante du procès : pour obtenir ce qui lui est dû, elle aura été forcée d’exposer des frais qui ne lui seront pas indemnisés.
Le rapport Perben, remis cet été au Garde des Sceaux, propose de mettre fin à ce système et à sa part d’arbitraire et suggère de modifier l’article 700 de la manière suivante :
« le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° à l’autre partie la somme
Le changement de paradigme est évident : exit l’équité ; exit la situation de la partie perdante qui n’est plus prise en compte. Exit également la possibilité pour le juge d’exclure toute indemnisation : ce dernier devra vérifier les factures produites par le demandeur et apprécier leur montant au seul regard de l’intérêt du litige.
Nous ignorons le calendrier de cette réforme, mais M. le Garde des Sceaux a promis qu’il ne laisserait pas le rapport Perben « dormir du sommeil de l’injuste ».
Souhaitons, avec nos bons vœux, que cette proposition soit adoptée et ce texte scélérat enfin réformé !
Rapport Perben sur l'avenir de la profession d'avocat